Synthèse de la note sur LA DIPLOMATIE CULTURELLE FACE AUX DEFIS CONTEMPORAINS Par Sophie Claudel, Alain Fohr et Alexis Tadié De Terra Nova

Quai d'Orsay

 

La diplomatie culturelle a un rôle important pour faire contrepoids aux forces qui menacent aujourd’hui les démocraties. La France, dans ce domaine, dispose de réels atouts, dont sa longue histoire et la couverture de son réseau. Mais pour jouer ce rôle, cinq pistes de travail sont à investir :

Palais Royal Ministère de la culture..jpg

  1. La diplomatie culturelle française n’a pas pour but d’exporter une image prestigieuse de la France mais de fonder son mode opératoire sur la création de nouvelles façons de collaborer qui prennent en compte les spécificités de chacun.
  2. L’adaptation aux contextes locaux – à l’opposé d’une approche centralisée – est essentielle. La diplomatie culturelle ne peut faire l’objet d’une vision lissée ou centralisée des relations internationales. Il faut remettre au centre des méthodes de travail la diversité des points de vue de nos interlocuteurs étrangers : la vision doit donc émerger du terrain.
  3. Si les moyens du réseau ne peuvent être dissociés du Quai d’Orsay, alors il faut que le Ministère des Affaires Etrangères définisse sa vision à long terme de la politique culturelle étrangère, sans dilution des responsabilités avec d’autres ministères. Il ne s’agit pas d’exclure les expertises qui peuvent la nourrir mais il faut un capitaine à bord, qui invente une « politique culturelle étrangère » fondée sur des contenus précis et ambitieux par zone géographique.
  4. Une répartition réfléchie et structurée entre action bilatérale et interventions multilatérales permettrait à la France de faire entendre sa voix tout en jouant une carte collective. La création de maisons de l’Europe aux côtés d’établissements français présents dans les pays prescripteurs permettrait à la France de se faire entendre plus sûrement tout en mêlant sa voix à d’autres que la sienne. Imbriquer le bilatéral et le multilatéral permettrait aussi de mutualiser les moyens par une politique de cofinancements.
  5. Le réseau culturel français à l’étranger repose principalement sur les personnes qui le composent. La question des profils, mais aussi des moyens financiers et immobiliers, doit être en accord avec deux objectifs : une vision qui émerge du terrain, et la définition d’une politique culturelle étrangère claire. Les postes culturels sont trop souvent considérés comme des variables d’ajustement, comme si leur portée ne devait jamais avoir grande incidence.

La Peste d’Albert Camus Roman français paru en 1947. 288 pages chez Gallimard (collection Folio)

 

La pesteComment parler d’un tel monument de la littérature ? C’est ce roman, ainsi que deux autres œuvres qui ont conduit Camus à se voir décerner le prix Nobel de littérature, et on comprend bien à quel point ce prix était mérité.

 

L’histoire se déroule en Algérie, à Oran, dans les années 40. La peste s’abat progressivement sur la ville, ce qui oblige les autorités à la fermer complètement pour éviter la propagation de l’épidémie. Nous suivons alors le quotidien de plusieurs personnages et notamment du docteur Bernard Rieux qui se retrouve séparé de son épouse partie suivre des soins à l’extérieur. Rieux soigne les malades, tente des vaccins au départ inefficaces et décide de créer des formations sanitaires avec l’aide d’autres habitants. Pendant plusieurs mois, ils vont lutter, unis, pour sauver ceux qui peuvent encore l’être et accompagner ceux qui sont hélas condamnés.

 

La peste est un personnage à part entière, souvent personnifiée, sournoise, injuste et cruelle, à l’image de la vie parfois. On ne peut s’empêcher de voir dans ce roman une analogie avec une autre forme de cette maladie, la peste brune qui sévit à cette époque en Europe. La montée du nazisme va mettre en lumière les mêmes types de personnages, ceux qui vont accepter, ceux qui vont résister et surtout les mêmes sentiments, les mêmes valeurs humaines.

 

« Mais le bien public est fait du bonheur de chacun. »

 

C’est en effet un roman sur l’héroïsme ordinaire, celui de Rieux qui patiemment, au détriment de sa propre santé physique vient en aide aux malades.

 

« Mais vos victoires seront toujours provisoires, voilà tout. Rieux parut s’assombrir.  – Toujours, je le sais. Ce n’est pas une raison pour cesser de lutter. »

 

Il n’est pas le seul héros de l’histoire, on peut citer par exemple son voisin et ami Jean Tarrou qui aidera Rieux jusqu’au bout. Il représente l’engagement, la résistance car profondément humain, il croit en l’homme et cherche à devenir un saint laïc. De même Raymond Rambert, qui au départ voulait quitter la ville pour rejoindre sa fiancée, finit par renoncer et par aider les autres résistants.

 

« Je n’ai pas de goût, je crois, pour l’héroïsme et la sainteté. Ce qui m’intéresse, c’est d’être un homme. »

 

J’ai beaucoup aimé le personnage de Joseph Grand, un fonctionnaire chargé de fournir les statistiques des victimes de la peste. Son engagement est louable aussi, et son désir d’atteindre la perfection romanesque est touchant : il écrit un livre mais n’arrive pas à avancer car il remanie sans cesse la première phrase qu’il veut parfaite et dont il n’est jamais satisfait.

 

La narration est assez originale car le roman est présenté comme une chronique dont on apprend qui est le narrateur seulement à la toute fin du roman.

 

J’ai trouvé que ce roman ressemblait à une tragédie en 5 actes, qui nous fait réfléchir sur les passions humaines et qui est intemporelle. En effet, elle est toujours d’actualité car elle met en scène le courage, la solidarité, l’amitié entre des personnes face au destin implacable et parfois injuste comme en témoigne la mort d’un enfant dont l’agonie, décrite avec autant de précision que de retenue émeut autant le lecteur que les adultes qui l’entourent.

 

C’est aussi un roman qui dénonce l’absurdité de la condition humaine, thème cher à Camus et qu’il exploite dans d’autres de ses œuvres. Camus pose la question de l’existence de l’homme, du sens qu’il donne à sa vie, il évoque (et critique) la religion à travers le personnage du Père Paneloux, qui est ébranlé dans sa foi lors de la mort de l’enfant, mais qui continue cependant à dire que l’homme ne peut tout comprendre et doit accepter ce qui vient de Dieu.

 

C’est enfin un roman qui continue de nous parler car comme cela est indiqué à la fin, la peste est toujours susceptible de revenir – quelle que soit la forme qu’elle prendrait dans un nouvel environnement. C’est ce qui en fait un chef d’œuvre de la littérature, plein d’humanité.

 

« ce qu’on apprend au milieu des fléaux, [c’est] qu’il y a dans les hommes plus de choses à admirer que de choses à mépriser. »