Les algorithmes mènent-ils le monde ?

Les algorithmes mènent-ils le monde ?

 

Les Français n’en ont pas toujours conscience mais les algorithmes occupent une place importante dans leur quotidien. Alors que la CNIL a mené en 2017 un vaste débat public sur l’intelligence artificielle, de nombreux secteurs comme les transports, l’éducation ou la justice sont déjà concernés par l’analytique de la donnée.

Transports : le yield management ou l’art de faire varier les prix 

Vous l’avez sans doute sûrement remarqué, quand vous vous connectez à un site de réservation de billets d’avion ou de train : le prix varie en fonction de l’offre et de la demande, passant parfois du simple ou double selon que vous partez à midi un jour de semaine ou à la veille d’un week-end prolongé. C’est ce que l’on appelle le yield management, ou l’adaptation des tarifs d’un siège d’avion ou de train selon les horaires, les jours ou les destinations. Cette technologie permet, grâce à un algorithme, d’adapter les tarifs en temps réel afin d’optimiser le taux de remplissage de l’avion ou du train. Plus il y aura de demande sur un vol, plus les billets seront rares et chers. En revanche, si la destination est moins prisée ou que la demande est plus faible, des tarifs intéressants et des promotions seront proposés. Il vaut donc mieux réserver son voyage à l’avance et être flexible sur les dates.

Éducation : des critères d’affectation gérés par un logiciel

APB, Affelnet, Parcoursup… Les critères d’attribution des places en lycée ou dans l’enseignement supérieur sont gérés par des algorithmes en fonction de nombreux paramètres : résultats scolaires, lieu d’habitation de l’élève et éventuel statut de boursier. La procédure d’affectation Affelnet concerne les collégiens qui souhaitent poursuivre leur parcours au lycée, en seconde générale et technologique ou dans la voie professionnelle. Le programme classe les dossiers en fonction du barème de chaque élève pour chaque lycée demandé.

Parcoursup est la nouvelle plateforme nationale d’admission en première année des formations de l’enseignement supérieur. Cette plateforme permet aux lycéens, apprentis ou étudiants en réorientation de formuler dix vœux pour entrer dans un établissement d’enseignement supérieur. Après avoir examiné leur dossier, ceux-ci pourront formuler des propositions d’admission. Le code source de l’algorithme utilisé par Parcoursup a été rendu public par le ministère de l’Enseignement supérieur et le secrétariat d’État en charge du numérique. Contrairement à APB, le précédent système d’affectation dans le supérieur, l’algorithme de Parcoursup ne procède pas au classement direct des candidats mais formule des propositions, en veillant à ce qu’un pourcentage minimal de boursiers soit affecté dans chaque établissement.

Justice : la justice prédictive grâce à des logiciels intelligents

Désengorger les tribunaux en réglant plus rapidement, notamment par la médiation, des litiges ayant déjà fait l’objet de poursuites équivalentes, c’est la promesse de la justice prédictive. De nombreuses solutions informatiques permettraient d’anticiper la probabilité de résultat d’un contentieux et les indemnités associées grâce à un algorithme analysant l’ensemble de la jurisprudence et désormais disponible en open data. En saisissant l’objet de sa recherche dans un moteur de recherche, le juriste a immédiatement accès à tous les textes de loi sur un sujet donné. Cette technologie d’aide à la décision propose aux professionnels du droit, qu’ils soient avocats ou magistrats – un gain de temps dans leurs recherches et dans la construction de leurs stratégies judiciaires. Elle s’appuie sur l’Intelligence Artificielle et le machine learning, des technologies souvent développées par des start-ups spécialisées dans l’analyse prédictive. Cependant, le Conseil d’État a souligné en février 2018 lors d’un colloque sur la justice prédictive que celle-ci, si elle représentait une évolution majeure dans la façon de travailler des professionnels du droit, devait être utilisée dans le respect de l’indépendance de la justice.

 

Les nouvelles formes de participation citoyenne

Les-nouvelles-formes-de-participation-citoyenne.jpg

De plus en plus de citoyens ont envie d’agir concrètement sur leur environnement quotidien et de participer à la vie publique. La démocratie participative revêt des formes obligatoires, mais beaucoup souhaiteraient aujourd’hui aller plus loin, en allant vers une véritable démocratie collaborative et numérique.

La concertation obligatoire avec les citoyens 

Les concertations obligatoires constituent la première étape de la consultation des citoyens. Qu’il s’agisse des débats publics sur les projets d’aménagement, menés par la Commission nationale du débat public, des enquêtes publiques menées par les collectivités territoriales ou des consultations ouvertes dans le cadre des projets environnementaux, ces dispositifs réglementaires recueillent l’avis des Français.

Ce type de débat permet aux citoyens d’un territoire concerné par un projet d’aménagement de bénéficier d’informations et d’émettre un avis. Ils sont ainsi associés à la conception du projet et certaines de leurs recommandations peuvent être prises en compte. Parmi les exemples récents de ces concertations citoyennes, citons le débat public sur le projet Europacity, l’enquête publique sur l’aménagement des berges de Seine à Paris ou la consultation publique sur les loups en 2016.

L’initiative citoyenne, un nouveau pas ?

Dans de nombreuses collectivités territoriales, comme Paris, Metz, Grenoble, Rennes ou Montreuil, les budgets participatifs permettent aujourd’hui aux citoyens de choisir les projets de proximité qu’ils appellent de leurs vœux. Végétaliser une rue, financer une fresque murale ou rénover un terrain de sports, ces projets locaux sont plébiscités par les habitants des villes. Avec 3,5 millions d’euros par an, les Rennais ont les clés d’une partie du budget de la ville, dans le cadre de la Fabrique citoyenne. À Paris, 5 % du budget d’investissement de la ville, soit près de 500 millions d’euros jusqu’en 2020, est consacré à ces projets.

Les projets d’investissement déposés par les citoyens pour leur quartier ou pour la ville doivent cependant relever de l’intérêt général et des compétences de la collectivité. Ce dispositif, qui est né au Brésil en 1989, ne cesse de s’étendre à travers le monde. En France, 46 villes l’ont adopté, comme en témoigne le bilan 2017 du site Les budgets participatifs. Près de 6 % de la population française, soit 4 millions d’habitants, peuvent désormais voter dans le cadre d’un budget participatif.

Les civic techs ou la démocratie numérique 

La e-democratie est désormais d’une autre forme d’engagement des citoyens, plus ponctuelle et plus accessible. Le manque de temps et de disponibilité des actifs et la digitalisation de la société rendent les citoyens plus enclins à participer en ligne à améliorer leur quotidien ou à donner un avis. Devenus incontournables dans l’animation des budgets participatifs et autres consultations citoyennes, les civic tech ou gov tech sont des startups qui réfléchissent à de nouveaux outils numériques pour renforcer la participation citoyenne. De change.org à Accropolis, en passant par Voxe.org, ces plateformes citoyennes réveillent la démocratie.

Elles relaient et amplifient ainsi les consultations en ligne mises en place par l’administration pour recueillir l’avis d’un public large tout en mobilisant peu de moyens. En 2015, une consultation en ligne avait été lancée pour alimenter le projet de loi pour une république numérique. Le site Internet de la consultation a rencontré une audience très forte, avec près de 138 000 visiteurs uniques, pour plus de 2 millions de pages vues. À l’issue de la consultation, le projet du gouvernement a été amendé par 5 nouveaux articles et 90 modifications. Les Assises de la mobilité en cours, ou les États généraux de l’alimentation, qui viennent de s’achever, ont procédé de la même manière.