Concert de Barbara Hendricks dans le cadre du festival de musique classique « festival Lang Tang » au Teat Plein air de Saint-Gilles les Bains

Un très agréable moment passé à ce beau concert de Barbara Hendricks, accompagnée barbara Hendricks.jpgpar Mathias Algotsson au piano & orgue B3, Max Schultz : à la guitare, Ulf Englund à la guitare et régisseur lumière et Fredrik Ekström: régisseur de son. Je remercie Angela et Laurent pour ce choix pertinent qui m’a bien comblé.

Barbara Hendricks se produisait dans le cadre du festival de musique classique « festival Lang Tang » au Teat Plein air de Saint-Gilles les Bains. La chanteuse soprano aux harmonies classiques, oscillant entre le blues, la soul et le jazz. Elle mélangeait cette foisTéat plein air.jpg les codes de ses origines. Son art prend racine dans les chants religieux, initiés par son père pasteur d’une église de l’Arkansas. Au Teat Plein air, hier soir, elle était dans sa conversion de 2015, telle qu’elle exprimait ce virage dans son album « Blues Everywhere I go » consolidée par  la musique noire américaine, celle la même  qui prend racine durant l’esclavage. Ainsi ses chansons étaient aussi rythmées par ces belles phrases de Martin Luther King et de ce fameux poème« Maison ». « Home ». de Warsan Shire  cette poétesse somalienne anglophone qui avait fui son pays, en pleine guerre civile. Elle en parlait avant les médias et les gouvernants aient mis un nom sur la « crise des migrants ».  (CF ci -dessous des extraits du poème traduit par Paul Tanguy).

Elle même victime dans les années 50 de la ségrégation raciale aux Etats-Unis, n’a toute sa vie, cessé de faire de la musique un instrument de réconciliation entre les hommes. martin luther kunghElle disait hier soir encore que « la haine éloigne et l’amour rassemble et construit ». Tout un programme qu’elle porte avec force et joie en créant l’émotion et de faire ressentir à nous tous ce qu’elle ressent elle-même, par ses mouvements permanents en deux pas de danse, pour nous inviter au bonheur.

Dès sa notoriété conquise dans les plus grands opéras du monde, Barbara Hendricks l’utilise au profit des réfugiés. Et c’est comme ambassadrice de bonne volonté au Haut-commissariat des réfugiés qu’elle sillonne le monde, et tente d’éclairer de sa voix la vie des gens qu’elle rencontre.

Très soucieuse de protéger sa vie personnelle, et de vivre simplement, elle a grandi  sous la protection de Jeannie Tourel, une cantatrice reconnue et qui a cru  au talent de la jeune Barbara. C’est elle qui l’a introduit auprès des plus grands chefs : Karajan, Abbado, Barenboïm, Lorin Maazel… Plus de 14 millions d’albums vendus dans le monde, des milliers de concerts, opéras et récitals avec les

Duke Ellington.jpgplus grands chefs, Barbara Hendricks aura, depuis plus de 40 ans, interprété aussi bien Mozart, Schubert et Mahler que Poulenc, Gershwin ou Duke Ellington.

Elle a déclaré être prête à découvrir le MALOYA, la musique des esclaves : « parce que c’est ma musique aussi, que je chantais à mes débuts. »

Réagissant à une question d’un journaliste sur le fait qu’elle va chanter dans un lieu peu connu « au Teat Plein air de Saint-Gilles », elle répondit  « Je ne choisis pas les cadres des concerts. Certaines fois, ils sont magiques comme au Festival d’Orange dans le théâtre romain. Mais ce qu’il y a de plus important que les lieux, c’est le public. Je viens chanter un concert pour rencontrer un public qui a envie d’entendre la musique. J’avais envie de revenir à La Réunion. J’ai chanté ici avec un orchestre qui venait d’Ukraine. C’était une super rencontre. Quand mon agent m’a proposé de revenir, j’ai immédiatement dit oui. »

Elle raconta aussi sa découverte du blues, du ‘musicien et de l’être humain fantastique qu’est Duke Ellington. Le blues, musique que son père qualifiait de musique du diable.

Ainsi pendant plus de quatre vingt dix minutes,  elle nous a enchanté par ce blues Militante en nous montrant le chemin de la liberté avec ces citations de Martin Luther King et de poème de Warsan Shire  en français. Nous sommes dans un monde où l’on a plus que jamais besoin d’entendre des paroles de PAIX, d’AMOUR et de JUSTICE.

Bravo pour Le Festival Lang Tang en plus d’être intense La Réunion a été magique hier soir avec Barbara.

MAISON (HOME) de Warsan Shire

Warsan Shire.jpg

Personne ne quitte sa maison à moins

Que sa maison ne soit devenue la gueule d’un requin

Tu ne cours vers la frontière

Que lorsque toute la ville court également

Avec tes voisins qui courent plus vite que toi

Le garçon avec qui tu es allée à l’école

Qui t’a embrassée, éblouie, une fois derrière la vieille usine

Porte une arme plus grande que son corps

Tu pars de chez toi

Quand ta maison ne te permet plus de rester.

Tu ne quittes pas ta maison si ta maison ne te chasse pas

Du feu sous tes pieds

Du sang chaud dans ton ventre

C’est quelque chose que tu n’aurais jamais pensé faire

Jusqu’à ce que la lame ne soit

Sur ton cou

Et même alors tu portes encore l’hymne national

Dans ta voix

Quand tu déchires ton passeport dans les toilettes d’un aéroport

En sanglotant à chaque bouchée de papier

Pour bien comprendre que tu ne reviendras jamais en arrière

Il faut que tu comprennes

Que personne ne pousse ses enfants sur un bateau

A moins que l’eau ne soit plus sûre que la terre-ferme

Personne ne se brûle le bout des doigts

Sous des trains

Entre des wagons

Personne ne passe des jours et des nuits dans l’estomac d’un camion

En se nourrissant de papier-journal à moins que les kilomètres parcourus

Soient plus qu’un voyage

Personne ne rampe sous un grillage

Personne ne veut être battu

Pris en pitié

Personne ne choisit les camps de réfugiés

Ou la prison

Parce que la prison est plus sûre

Qu’une ville en feu

Et qu’un maton

Dans la nuit

Vaut mieux que toute une cargaison

D’hommes qui ressemblent à ton père

Personne ne vivrait ça

Personne ne le supporterait

Personne n’a la peau assez tannée

Rentrez chez vous

Les noirs

Les réfugiés

Les sales immigrés

Les demandeurs d’asile

Qui sucent le sang de notre pays

Ils sentent bizarre

Sauvages

Ils ont fait n’importe quoi chez eux et maintenant

Ils veulent faire pareil ici

Comment les mots

Les sales regards

Peuvent te glisser sur le dos

Peut-être parce leur souffle est plus doux

Qu’un membre arraché

Ou parce que ces mots sont plus tendres

Que quatorze hommes entre

Tes jambes

Ou ces insultes sont plus faciles

A digérer

Qu’un os

Que ton corps d’enfant

En miettes

Je veux rentrer chez moi

Mais ma maison est comme la gueule d’un requin

Ma maison, c’est le baril d’un pistolet

Et personne ne quitte sa maison

A moins que ta maison ne te chasse vers le rivage

A moins que ta maison ne dise

A tes jambes de courir plus vite

De laisser tes habits derrière toi

De ramper à travers le désert

De traverser les océans

Noyé

Sauvé

Avoir faim

Mendier

Oublier sa fierté

Ta survie est plus importante

Personne ne quitte sa maison jusqu’à ce que ta maison soit cette petite voix dans ton oreille

Qui te dit

Pars

Pars d’ici tout de suite

Je ne sais pas ce que je suis devenue

Mais je sais que n’importe où

Ce sera plus sûr qu’ici