Banque mondiale – La Colombie et le « prisme de la paix » – de MARCELO JORGE FABRE

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La Journée internationale de la paix est célébrée le 21 septembre. Après plus d’un demi-siècle de guerre civile, nous avons, nous aussi, en Colombie une journée nationale de la paix à célébrer.

Le 24 novembre 2016, la Colombie est arrivée à un tournant de son histoire : Juan Manuel Santos, le président colombien, et Rodrigo Londoño Echeverri, le chef des Forces armées révolutionnaires de Colombie (Farc), ont signé un accord de paix historique au théâtre Colón de Bogotá.

Il ne s’agit pas d’un traité de paix ordinaire : c’est l’un des accords les plus complets que la Colombie, ou même le monde, ait connu depuis bien des années. Et pour cause.

La Colombie a été le théâtre de l’une des guerres civiles les plus longues de l’histoire contemporaine, qui a fait plus de 8 millions de victimes et un nombre de déplacés sans équivalent dans le monde. Ce pays abrite aussi l’un des plus anciens mouvements rebelles en activité dans la région de l’Amérique latine et des Caraïbes.

Pour que l’accord de paix soit crédible, il fallait donc qu’il traite des problèmes dont souffre la Colombie depuis plus d’un siècle : les relations entre zones urbaines et rurales, les mécanismes et garanties de la participation à la vie politique, le fléau des cultures illicites et des drogues illégales, l’accès à la terre et la question des victimes et des combattants, notamment.

Sécurité des citoyens, justice et emploi : ce sont, fondamentalement, les trois enjeux qui sont au cœur de l’accord de paix colombien, mais aussi de l’édition 2011 du Rapport sur le développement dans le monde de la Banque mondiale consacrée au thème « Conflits, sécurité et développement » (a).

La Banque mondiale, qui est l’un des principaux partenaires de la Colombie en matière de développement, poursuit les mêmes objectifs que ce pays : mettre fin à l’extrême pauvreté et promouvoir une croissance partagée et sans exclus. Au cours de la dernière décennie, les investissements de la Banque en Colombie n’ont cessé de croître, et représentent aujourd’hui le plus gros portefeuille de prêts de cette institution en Amérique latine/Caraïbes, et l’un des plus importants dans le monde.

Conscient qu’il s’agit là d’un moment historique, le gouvernement colombien a demandé à la Banque mondiale d’intégrer un thème transversal dans chaque activité qu’elle mène dans le pays : l’appui à la consolidation de la paix.

Face à ce défi conceptuel, nous avons mobilisé notre équipe en charge de la Colombie ainsi que notre pôle mondial d’expertise en Développement social, urbain et rural, et résilience, et nous sommes parvenus à élaborer une méthodologie qui permette d’inclure la dimension du conflit dans la conception de tous les projets.

Cette méthodologie, nous l’avons baptisée « le prisme de la paix ». Son élaboration a donné lieu à un processus soutenu d’apprentissage et de recherche sur l’histoire des conflits en Colombie, mais aussi sur l’évolution des dynamiques à l’œuvre dans les différentes régions du pays au début de la mise en œuvre de l’accord de paix.

La méthodologie s’articule autour de sept dimensions clés :

  • un angle territorial, qui prend en compte les différentes régions du pays ;
  • les conséquences des conflits armés dans ces régions ;
  • la présence de groupes armés illégaux sur le territoire ;
  • l’incidence de l’économie illégale dans les différentes régions ;
  • la présence de l’État et de la société civile ;
  • les engagements en faveur de la consolidation de la paix, dans chaque territoire ;
  • les risques d’un regain de violence dans chaque région.

Elle permet à la Banque mondiale d’inclure les aspects liés à la consolidation de la paix dans la conception et la mise en œuvre de tous ses projets en Colombie, tout en continuant de cibler les différents axes thématiques prioritaires. Ainsi, un projet d’appui à l’enseignement supérieur est en cours d’adaptation, avec pour objectif de faciliter l’accès des victimes du conflit et d’autres catégories de population vulnérables. Par ailleurs, un programme de développement à faibles émissions de carbone emploie d’anciens combattants comme gardes-forestiers, chargés du suivi de la déforestation.

Le prisme de la paix est différent des approches qui l’ont précédé : il ne vise pas simplement à éviter de nuire à la pacification, mais à faire en sorte que toutes les interventions y contribuent, c’est-à-dire qu’elles favorisent la construction de la paix, quel que soit le type d’investissement ou le secteur concerné.

En définitive, le prisme de la paix sert un objectif qui va de soi : faire en sorte que tous les efforts de développement menés en Colombie contribuent à la construction de la paix.

colombie1MARCELO JORGE FABRE est un consultant spécialisé en développement social, travaillant sur des situations conflictuelle dans les contextes urbains et ruraux. Il œuvre aussi dans des environnements de guerre avec des populations fragiles en vue d’une  transition de paix.