L’EXPOSITION DE CY TWOMBLY AU CENTRE POMPIDOU

L’exposition consacrée à CY Twombly, artiste américain, au Centre Pompidou, à Paris, Cy_Twomblyretrace l’ensemble de la carrière de l’artiste, à travers deBlooming, 2001-2008 Courtesy Archives Fondazione cent quarante œuvres (peintures, sculptures, dessins et photographies). Elle constitue la première rétrospective intégrale dont l’œuvre s’est réalisée à l’écart des principaux courants de l’art de son pays mais a recoupé les enjeux les plus importants de l’art du vingtième siècle. Une grande partie de ces œuvres n’a encore jamais été exposée en France. J’avais vu précédemment une exposition de ses travaux sur papier tenue à ce même endroit. L’exposition d’aujourd’hui se focalise sur un axe majeur de travail de l’artiste, les cycles et les séries, c’est la raison pour laquelle elle est construite autour de trois cycles monumentaux : Nine Discourses on Commodus (1963), Fifty Days at Illiam (1978) et Coronation of Sesostris (2000).

L’exposition est Organisée de manière chronologique, cette rétrospective permet oeuvre de CY Twomblyd’appréhender la richesse et la complexité de l’œuvre de l’artiste à la fois extrêmement sensible et intellectuelle. CY Twombly était un érudit, un passionné de littérature, et nombre de ses œuvres, en apparence seulement « abstraites » sont en fait riches de sens et de références littéraires. Son travail est d’une beauté plastique à couper le souffle, à la fois spontané et murement réfléchi, il est considéré comme l’un des plus importants peintres de la seconde moitié du XXème siècle, et avec cette magnifique rétrospective, on comprend tout de suite pourquoi.

La carrière de CY Twombly, structurée par de grands cycles alternés est retracée dans son intégralité. Les premières salles évoquent les débuts de l’artiste, à travers des œuvres produites au début des années 1950.

Sans titre (Lexington) 1.jpg

LSans titre (Grottaferrata)e tableau Sans titre (Lexington), réalisé en 1951 à la peinture industrielle sur toile, et la série Sans titre (Grottaferrata), ensemble de feuilles quadrillées recouvertes de griffonnages colorés tracés au crayon à la cire et à mine de plomb, témoignent de l’inspiration que constituaient alors pour CY Twombly les arts premiers, l’écriture et le graffiti.

L’exposition aborde ensuite les œuvres des trois cycles.

Nine Discourses on Commodus (1963) – (Musée Guggenheim, Bilbao)

nine discourses on commodusDébut des années 1960, au centre desquelles s’impose la série Nine Discourses on Commodus, réalisée en 1963. Ces œuvres font référence à l’empereur Commode (161-192). Le style caractéristique de CY Twombly, fait de tracés frénétiques, rayures et gribouillis, est mis au service d’un regard beaucoup plus sombre porté sur le monde, inspiré par une suite d’assassinats historiques, qui marquèrent la vie du tyran sanguinaire. Comme dans les autres œuvres de cette période, l’exploitation de la couleur et de la matière donna naissance à des compositions très charnelles. Parmi les œuvres des années 1970, textes griffonnés, collages et peintures constituent autant de réponses à l’art minimal et conceptuel qui se développe alors.

FiFifty Days at Illiamfty Days at Illiam (1978) – (Musée d’art de Philadelphie)

L’ensemble Fifty Days at Iliam est un cycle en dix toiles réalisées à l’huile, crayon à Fifty Days at Illiam.jpgl’huile et graphite sur toile Il est basé sur l’Iliade d’Homère. Il évoque le récit des Fifty Days at Illiamcinquante derniers jours de la guerre de Troie développés dans le poème épique à travers l’écriture gestuelle et la figuration schématique qui caractérisent le langage visuel de l’artiste. Il a fallu deux étés successifs pour achever ces dix éléments. Au terme « Ilium » CY TWOMBLY substitue celui »d’Iliam », à ces yeux, la lettre A remémore le héros grecque Achille, incarnation de la force virile. Il dépeint aussi les puissances déchainées en un jeu de formes qui restituent la brutalité de la guerre, pendant caché de l’héroïsme. Après son exposition à New York l’œuvre resta en caisse pendant dix ans et sera rendue visible seulement après son acquisition par la Philadelphia Museum of Art en 1989.

Coronation of Sesostris (2000) – (Pinault collection)

Coronation of SesostrisL’artiste ouvre ce cycle par des toiles lumineuses dominées par des teintes solaires avant de le clore en noir et blanc selon le parcours du dieu égyptien Râ qui traverse le ciel à bord d’une barque solaire de la pointe du jour jusqu’à la fin de la nuit. Il entremêle par fragments les références au roi légendaire de l’Égypte ancienne Sésostris I, aux poètes antiques Sapho et Alcman, ainsi qu’à la poétesse Patricia Waters qui évoque la disparition silencieuse des dieux antiques dans Now is the Drinking (1996)

Winter  Passage Luxor.jpg

Qui est CY Twombly

L’œuvre de CY Twombly (décédé en 2011) est à la fois riche et complexe, elle s’est étendue sur une soixantaine d’année sans jamais rien céder de sa force, même dans lesCY Twombly 1 dernières années de sa carrière. C’est ce parcours, l’un des plus féconds de l’histoire de l’art récente, qui nous permet de mieux l’identifier et le comprendre. Il relie la culture américaine de l’après-guerre, dominée sur le plan artistique par l’expressionnisme abstrait, et la culture méditerranéenne que CY Twombly découvre encore jeune et qu’il fait sienne. L’artiste restera très proche de son univers natal, le sud des États-Unis, une région plus connue en Europe pour sa littérature, avec William Faulkner, Carson McCullers, Flannery O’Connor ou Truman Capote…

De son enfance et de son adolescence à Lexington, où il grandit sous l’œil attentif d’une nourrice afro-américaine, Lula Bell Watts. L’environnement familial du jeune CY Twombly 2.pngTwombly semble avoir stimulé sa curiosité intellectuelle, développé sa sensibilité et son goût pour la peinture. Lorsqu’en 1952, à l’âge de 24 ans, il fait une demande de bourse pour voyager en Europe, il affirme vouloir « étudier les dessins des caves préhistoriques de Lascaux ». Il compte aussi visiter les musées français, italiens et néerlandais, l’architecture gothique et baroque et les ruines romaines. Il dit également être « attiré par le primitif, les éléments rituels et fétichistes, et l’ordre plastique symétrique… » Une fois sa bourse obtenue, il invite l’artiste Robert Rauschenberg, rencontré à New York deux ans auparavant, àCY Twombly 3.png l’accompagner. Ils embarquent pour Naples le 20 août 1952. La culture, riche et originale, qu’il acquiert nourrira tout son œuvre. Ses lectures sont autant de voyages – Goethe, Homère, Horace, Hérodote, Keats, Mallarmé, Ovide, Rilke, Sappho, Virgile – auxquels il puisera pour CY Twombly 3 Writing.jpg.pngses œuvres. D’autres auteurs moins attendus l’inspirent, Lesley Blanch, Robert Burton, George Bissing ou le poète mystique perse du 13e siècle Djalâl-ad-dîn Rûmî…, et son goût rare et raffiné trouve à s’épanouir dans le champ de la peinture. A son retour, il exécute ses premières œuvres d’envergure, couvertes d’écritures indéchiffrables, au primitivisme et à la gestualité assumés.

CY Twombly est un peintre lettré mais cette image ne rend que partiellement compte de PHOTO CY Twombly .pngsa personnalité complexe. L’aspect sophistiqué de son travail s’accompagne aussi d’une attention constante aux réalités vernaculaires, plus ou moins visibles, mais bien présentes. Doté d’un sens de l’humour et de la répartie peu commun, CY Twombly, lorsqu’il le voulait, avait l’esprit délicieusement mal tourné. Ainsi,Apolo de CY Twombly.png devant l’œuvre intitulée Apollo (1963), il dit laconiquement à Paul Winkler, ancien directeur de la Menil Collection à Houston : « Rachel et moi, on adorait aller danser au théâtre de l’Apollo à Harlem. » Dans toute une suite de dessins de 1981-1982, il inscrit l’expression « Private Ejaculations » tout en sachant qu’au 17e siècle ce terme désignait des prières courtes prononcées avec ferveur à intervalles fixes.

Sally Mann, l’amie de Lexington, a souvent photographié CY Twombly à la fin de sa vie, ainsi que son atelier. Parmi les plus beaux clichés figurent ceux de l’atelier vide, sans œuvres, avec seulement les traces de peinture sur les murs. Elle en a tiré un album récemment paru et intitulé Remembered Light.

Remembered Light.png

Conclusion

En abordant toutes les étapes de l’œuvre de CY Twombly, la rétrospective met en évidence la place importante qu’y occupent les cycles et aux séries. On redécouvre également combien la carrière de l’artiste américain a abordé toutes les questions majeures de CY Twomblyde Boillonl’art du XXe siècle : l’opposition entre figuration et abstraction, l’introduction du texte dans l’art pictural, le primitivisme, le rapport à la grande peinture historique, les liens entre l’Amérique et l’Europe. C’est une belle découverte pour moi, car la première fois je m’étais pas assez attardé devant les œuvres pour bien comprendre. Allez-y, c’est à la Galerie 1, Niveau 6.du Centre Pompidou, vous serez ravis car l’exposition se termine bientôt, le 24 avril.