Institut Montaigne – EDUCATION / RECHERCHE – Niveau de lecture : bonnet d’âne pour la France. Lecture  « Un élève en échec en fin de CP rattrape rarement son retard ensuite » Entretien avec Laurent Cros

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L’étude PIRLS, publiée le mardi 5 décembre, révèle le faible niveau de lecture en France des enfants  de CM1. Cette évaluation, dont l’objet est d’établir une comparaison du niveau de lecture des enfants dans 50 pays à travers le monde, révèle une baisse du niveau des enfants français depuis le début des années 2000 et place la France en retrait par rapport à la moyenne des pays de l’OCDE.

Que signifient ces résultats ? A quoi peuvent-ils être attribués ? Laurent Cros, spécialiste des questions d’éducation et directeur de l’association Agir pour l’école nous livre son décryptage.

Quel objectif l’évaluation PIRLS recouvre-t-elle ?

L’évaluation internationale PIRLS se distingue car elle intervient précocement dans la scolarité de l’élève : elle évalue les compétences en lecture et compréhension des élèves de CM1. Elle présente ainsi l’avantage par rapport à l’évaluation PISA, qui teste les élèves en lecture, mathématiques et sciences à l’âge de 15 ans de distinguer les acquis fondamentaux, qui relèvent du primaire, des savoirs enseignés au collège. L’enjeu d’une telle évaluation est de savoir si les élèves ont acquis les bases nécessaires de leur langue pour poursuivre leur scolarité au collège et y élargir leur spectre de connaissances.

PIRLS et TIMSS – autre étude internationale qui évalue les compétences mathématiques – constituent les épreuves les plus fines pour analyser la capacité du système scolaire à transmettre les compétences fondamentales aux enfants. Ces compétences sont essentielles à leur autonomisation ultérieure, que ce soit dans leur parcours scolaire ou professionnelle d’apprentissage. Nous savons  désormais qu’un faible niveau dans ces compétences conduit souvent à mal vivre le collège et, in fine dans nos sociétés modernes, gourmandes en capacités cognitives, à générer du chômage. 

En France, le nombre d’heures consacré à l’enseignement de la langue française est largement supérieur à la moyenne européenne. Comment expliquer la dégradation du niveau des élèves en lecture depuis vingt ans ? 

Deux constats majeurs méritent d’être rappelés :

  • D’une part, la France, qui dispose d’un système éducatif mature, présente l’un des scores les plus bas d’Europe : elle se situe à la 34ème place sur 50 pays étudiés et avec un score moyen de 511. Le Royaume-Uni et l’Allemagne, quant à eux, se positionnent avec des scores respectifs de 559 et 537 à la 10ème et 26ème place.
  • D’autre part, en dépit de la loi du 8 juillet 2013 pour la refondation de l’École qui a fait de l’école primaire une priorité, les résultats ne vont pas en s’améliorant.

Consacrer beaucoup de temps au français est nécessaire, mais n’est pas suffisant. En effet, les suivis de cohortes montrent qu’un élève en échec en fin de CP rattrape rarement son retard ensuite. Il y a donc un problème de prise en compte des enfants en difficultés, à un moment de leur scolarité. Comme en Finlande, il faudrait s’alarmer quand un élève a eu des difficultés au CP et lui donner beaucoup plus de temps pour apprendre dès le CE1. Cela doit remplacer le discours actuel qui consiste à considérer que l’important est que l’enfant sache lire à la fin du CE1.

Une bonne pédagogie d’enseignement de la lecture est celle qui permet une différenciation entre les élèves, selon leurs besoins spécifiques d’apprentissage, sans toutefois que ne soit perdue de vue l’ambition de porter l’ensemble des élèves à un niveau supérieur à la moyenne nationale en lecture. Les expérimentations montrent qu’une telle pédagogie est possible, cela nécessite néanmoins d’y consacrer davantage de moyens. Le dédoublement des classes a le potentiel d’être une des clés, car il permet de multiplier par deux le temps consacré à chaque enfant.

La compétence sur laquelle la baisse du niveau des élèves est la plus significative est celle de la compréhension, pour quelles raisons ? Comment remédier à cette situation ?

La compréhension est un aboutissement, elle fait intervenir plusieurs compétences simples qui sont la fluidité de la lecture, le vocabulaire et les stratégies de compréhension – par exemple, se demander à qui renvoie le pronom « il ».

La faiblesse française dans ce domaine provient vraisemblablement des trois compétences. Un grand nombre d’enfants sont toujours en retard, du CP au CM2, sur leur vitesse de lecture. Ils manquent d’entraînement en la matière.

L’entrée au CP est également marquée par un retard de vocabulaire significatif pour de nombreux enfants. Apprendre du vocabulaire est un exercice long et fastidieux car il faut rencontrer le même mot plusieurs fois pour le mémoriser. Or, aujourd’hui nous ne parvenons pas à enseigner correctement la compréhension aux enfants de milieux défavorisés. Les stratégies de compréhension sont très peu enseignées aux professeurs, qui pensent souvent que la compréhension s’acquiert avec le temps, à force de lecture.

Des chercheurs, dont Maryse Bianco en France, ont démontré qu’il fallait développer une véritable pédagogie de la compréhension, qui se structure selon elle autour des six principes suivants: la révision journalière des notions abordées, l’introduction d’une nouvelle notion en fixant clairement les objectifs du jour, l’incitation à utiliser la nouvelle notion et à expliciter sa démarche, la réexplication à travers plusieurs exercices adaptés, la pratique individuelle de l’élève, et la mise en place de périodes de révision.

Il est ainsi nécessaire d’adapter notre pédagogie d’enseignement, de former et d’accompagner les enseignants dans ces changements, tout en capitalisant sur les outils numériques désormais à notre disposition.

La Gazette de Maurice – Entretien de Nathacha Appanah, romancière mais pas seulement

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Si l’on décide un jour d’écrire un livre…? Pas en ce qui concerne Nathacha Appanah. Car un roman n’est pas un sujet, à l’opposé d’un reportage. Car l’aurions-nous oublié, l’auteure de Tropiques de la violence, roman primé par le Fémina des Lycéens 2016 est aussi journaliste. Et selon la posture engagée, les mots ne s’attrapent pas et ne s’agencent pas sur la page de la même manière.

De retour sur ses terres natales à l’invitation de l’Institut Français de Maurice il y quinze jours, la romancière a donné une conférence publique et animé un atelier d’écriture intitulé « Autoportrait impressionniste d’une jeunesse mauricienne» à destination des jeunes auteurs locaux. Elle nous parle volontiers de son approche de l’écriture selon qu’elle se place comme écrivain ou journaliste. De quelle façon une idée plutôt qu’une autre finit-elle par se métamorphoser en livre…? Si ce n’est un itinéraire toujours plus ou moins tortueux, la naissance d’un livre ne répond à aucune règle selon cette grande admiratrice, – dans le désordre-, d’Annie Ernaux, de Margaret Atwood et de la poétesse Anna de Noailles*. « Il y a d’abord une interrogation, suivie d’une curiosité, de recherches et du travail, une nécessité absolue et pourtant passée sous silence », sourit-elle. Parmi toutes les ébauches qui remplissent son placard,« c’est finalement l’histoire, devenant au fil des mots une entité vivante qui finit par décider si oui ou non, elle va aboutir, car une fois le cahier fermé, elle nous ramène vers elle par un fil invisible », poursuit l’écrivain. Ce fil même, solidement tissé avec Tropique de la violence, son dernier roman, un plongeon dans une Mayotte dure, sordide, aux antipodes des clichés exotiques, qui a exigé un long temps de gestation, soit six ans en tout.

Je suis restée très attachée à Mayotte, où j’ai été marquée par un vécu exclusivement tourné vers l’enfance. Incarnée d’abord par ma fille alors bébé, l’enfant seul et démuni de Mayotte que je pouvais observer chaque jour et l’enfant intérieur, celui de l’écriture que je n’arrivais pas à enfanter sur place – Nathacha Appanah

L’indispensable rêverie

Décidément oui, la naissance d’un roman passe toujours un itinéraire improbable rappelle l’écrivain, car son retour de Mayotte a été suivi d’un cinquième roman, En attendant demain – qui plante son décor sur les bords de l’Atlantique -, avant d’achever Tropiques de la violence. La littérature permet cela, cette douce possibilité de se perdre dans les méandres de la rêverie et de la flânerie sans avoir à se soucier de marquer la frontière entre le réel et la fiction, ni à s’inquiéter d’une quelconque date butoir quant à la pose d’un point final.

« Ce qui est essentiel à la littérature n’a pas sa place dans le reportage », poursuit Nathacha Appanah. Elle évoque alors celui conduit pour le magazine Géo au Sri Lanka au sortir du tsunami meurtrier de 2004 où son investigation l’a bouleversée au point d’en vouloir faire un livre. « Mais ce désir s’est opposé malgré moi à l’impossibilité de transformer ce dont je me suis nourrie en roman, simplement parce que sur place lors de mes investigations de reporter, je n’ai laissé de place ni à la rêverie, ni à la flânerie, des considérations indispensables à la composition d’une fiction». Nathacha Appanah la romancière, s’efface en effet en discontinu pour laisser raconter, tantôt la journaliste qui fournit le journal français Libération en reportages, – le dernier en date était consacré à l’enseignement du français aux allophones – tantôt la chroniqueuse du jeudi, pour le quotidien régional français La Croix.

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Son œuvre préférée gardée sécrète

Celle qui ne reprend jamais ses livres une fois publiés, sauf dans le cadre de séances de lecture publiques, avoue chérir particulièrement un de ses six romans. « Parce qu’il est associé a une histoire personnelle, je ne le révèlerai jamais. Une mère donnerait-elle le nom de son enfant préféré si elle en avait un? C’est quelque chose de non avouable, de profondément et de définitivement enfoui», appuie t-elle. Occupée à honorer les nombreux festivals littéraires qui réclament sa présence et à finir la traduction d’un roman anglais, l’écrivain se donne aujourd’hui le temps d’attendre. Un déclic non programmé, à l’issue d’une rencontre, au détour d’une route, à la vue d’un paysage, qui l’investira et lui donnera l’envie d’initier une nouvelle naissance.

Six romans remarqués en 13 ans

  • Dès Les Rochers de Poudre d’Or publié en 2003, un premier roman qui retrace l’épopée des travailleurs indiens venus remplacer les esclaves dans les champs de canne à Maurice, Nathacha Appanah rencontre le succès. Il se confirmera avec Blue Bay Palace en 2004, une fenêtre ouverte sur une Maurice écartelée entre son image carte postale et une société très marquée par les classes et les préjugés.
  • Dans La noce d’Anna, paru en 2005, la narratrice, pendant la journée du mariage de sa fille, Anna, s’interroge sur la transmission entre mère et fille.
  • Le Dernier Frère, sorti en 2007, aux éditions de l’Olivier, raconte l’histoire de Raj et de David, deux enfants reliés par l’innocence brisée et l’envie de fraternité dans un monde fracturé par la seconde guerre mondiale.
  • En 2015, Nathacha Appanah nous propose En attendant demain, avant le très remarqué Tropique de la violence, son sixième roman sélectionné pour les prix Goncourt et Médicis, qui dépeint l’univers terrifiant d’une jeunesse mahoraise désenchantée et livrée à elle-même. Ses romans sont traduits dans 16 pays.

*A reçu le prix Anna de Noailles de l’Académie française le 22 juin dernier.

Madame Bovary mise à nu par ses critiques – FLAUBERT DANS TOUS SES ÉTATS – par Hélène Raymond Département Droit, Economie, Politique de la BnF. Article paru sur GALLICA

Réception critique, manuscrits, héritage… cette semaine, le blog de Gallica vous emmène sur les traces de Flaubert, cette année au programme de l’agrégation de Lettres, à travers six billets illustrés. Entamons le voyage avec l’accueil critique de Madame Bovary.

Madame Bovary, moeurs de province, gravure à l’eau forte, Albert Fourié, 1885.

Gustave Flaubert, écrivain solitaire, enfermé dans sa tour d’ivoire, adepte de l’art pour l’art, fut aussi jaloux de son indépendance créatrice qu’il fut sensible à la réception critique de ses publications. La première d’entre elles, Madame Bovary, devait le porter d’un seul coup au sommet de la gloire littéraire.

Scandale de la modernité

Selon le principe du scandale attaché à la modernité artistique, lequel frappe à la même époque le recueil des Fleurs du Mal, de Charles Baudelaire (réquisitoire et plaidoirie dans la Revue des Grands procès contemporains, 1885), la puissance et la nouveauté du tableau des « mœurs de province » offert par ce hobereau normand, jusqu’alors à peu près inconnu, heurte la société du second Empire. Le procès « d’offense à la morale publique et à la religion » suscité par la publication de Madame Bovary en feuilleton dans la Revue de Paris en 1856 (réquisitoire, plaidoirie et jugement dans l’édition de Charpentier, 1881), contribue au succès fulgurant de sa première édition monographique l’année suivante chez Michel Lévy. Pendant ce temps, toute la critique littéraire prend position.

Gustave Flaubert et Madame Bovary, exposition à la Bibliothèque nationale, 1957

Flaubert, chef de file des générations nouvelles

C’est Sainte-Beuve, qui donne l’argument théorique dans un article élogieux du Moniteur Universel, en mai 1857, où il fait de Flaubert le chef de file d’une nouvelle école littéraire. Ce qu’il ne nomme pas encore le « réalisme » est caractérisé, selon le credo biographique du critique, par son ascendance médico-chirurgicale : « Fils et frère de médecins distingués, M. Gustave Flaubert manie la plume comme d’autres le scalpel » (relaté dans Paul Bourget, Gustave Flaubert, 1922). Chaque point de vue exprimé balancera pour ou contre la chute de l’idéal dans l’observation (ou la dissection) du réel tout cru, fut-il façonné par la plus haute exigence du style.


Portrait de Sainte-Beuve par David d’Anger
Tout au long de l’année, les critiques se partagent entre reconnaissance d’un style éblouissant qui transcende la banalité de son sujet, regret qu’un tel sujet puisse faire l’objet du récit et, sur fond d’un fort succès de librairie, un traitement léger de la controverse à laquelle chacun doit prendre part. En décembre, au théâtre des Variétés, la revue de 1857 Ohé les p’tits agneaux, qui se fait l’écho de cet émoi pré-médiatique, met en scène la dispute des titres de presse à travers la rencontre de « Madame Bovary » et de « Madame Gilblas ».

Le débat critique

Quelques jours après l’article de Sainte-Beuve, le 10 mai, Paulin Limayarc déplore dans Le Constitutionnel la perte de l’idéal, l’esprit de dénigrement qui anime le roman de Flaubert. Au mois de juin Armand Pontmartin donne une explication politique de son apparition dans Le Correspondant : ce serait un produit de l’esprit démocratique, à quoi Xavier Aubryet répond en fustigeant le délire interprétatif de son collègue et en défendant l’autonomie de l’œuvre dans L’Artiste du 20 septembre.

Portrait de Charles Baudelaire par Nadar, 1854

La plus belle défense de Flaubert, celle qui aura pour lui d’autant plus de prix qu’elle rend justice à son romantisme paradoxal est donnée par Charles Baudelaire dans L’Artiste du 18 octobre, qui insiste sur la recherche effrénée de l’idéal incarnée, envers et contre le réel, par Emma Bovary.

Madame Bovary illustré par Boilvin, Paris, 1876

World Economic Forum – 11 books on the future of humanity that everyone should read – written by Leanna Garfield, Reporter, Tech Insider, published in collaboration with Business Insider.

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More on the agenda

No one knows for sure what the next decade, century, or millennium will look like.

But many writers have imagined the future in their work, inviting us to travel through time.

We asked Lynn Lobash, manager of the New York Public Library’s Reader Services department, to recommend the books about the future that everyone should read.

Here are 11, and you can see more recommendations at the NYPL’s site.

« Children of the New World: Stories » by Alexander Weinstein

This novel features 13 short stories that imagine what the future could look like.

Much like the Netflix series « Black Mirror, » the narratives are a bit unnerving, and include social media implants, memory manufacturers, immersive virtual reality games, and human-like robots.

« The Handmaid’s Tale » by Margaret Atwood

« The Handmaid’s Tale » is set in a dystopian future where an oppressive and religious organization takes over the US government. Young women are kidnapped, removed of their identities, and forced to bear children who are taken from them.

The story, published in 1985, touches on modern themes, like feminism, moral relativism, sexuality, and the manipulation of power. It was also recently adapted into a popular Hulu show.

« The Sixth Extinction: An Unnatural History » by Elizabeth Kolbert

Combining science and history, Kolbert highlights humans’ impact on the environment in this Pulitzer Prize-winning book published in 2014.

By burning fossil fuels, we are impacting the atmosphere, oceans, and climate, forcing millions of species into extinction, she says. Kolbert combines vivid descriptions of natural wonders, like the Great Barrier Reef, and wild experiences, like venturing into a bat cave, to explain Earth’s present and possible future.

« This Changes Everything: Capitalism vs. The Climate » by Naomi Klein

Klein challenges readers to abandon capitalism and restructure the global economy and our political system to move toward a greener future. She makes the case that moving away from capitalism will not only reduce CO2 emissions, it will also help close inequality gaps and build a better democracy.

We can either embrace radical change or the Earth will change radically, she argues in the 2014 book. Staying neutral in the climate debate is no longer an option.

« In 100 Years: Leading Economists Predict the Future, » edited by Ignacio Palacios-Huerta

In this 2015 book, 10 prominent economists, including several Nobel laureates, offer their takes on what the world could look like in the twenty-second century.

These thinkers consider the future of work, salaries, equality, technology, and climate change, among other topics.

« Physics of the Future: How Scientists Will Shape Human Destiny and Our Daily Lives by the Year 2100 » by Michio Kaku

In his 2011 book, physicist Michio Kaku discusses developments in technology, medicine, and travel, and predicts inventions the world may have a hundred years from now.

Among his predictions: space elevators, Internet-enabled contact lenses, and flying cars.

« The Extreme Future: The Top Trends That Will Reshape the World in the Next 5, 10, and 20 Years » by James Canton

Canton, an advisor to three presidents spanning three decades, predicts future trends in business, technology, terrorism, the environment, and medicine.

Published in 2007, it’s touted by NYPL as the essential forecasting handbook for the next 20 years.

« 1984 » by George Orwell

Published in 1948, this dystopian fiction novel by George Orwell imagined life in 1984. In a grim future, citizens are constantly monitored and controlled by Big Brother and the Thought Police.

He paints a haunting view of the world and warns about the dangers of totalitarianism in a tome that’s still relevant today.

« Fahrenheit 451 » by Ray Bradbury

In this dystopian 1953 novel, protagonist Guy Montag is a fireman in a world where television rules everything. Literature is on its way to extinction, and Montag’s duty is to light the books on fire.

Like 1984, it highlights the dangers of mind control and a totalitarian state.

« Brave New World » by Aldous Huxley

In Huxley’s future, babies are born in labs, and society discourages individual action and thought. Although the world is peaceful, the protagonist, Bernard Marx, wonders if there’s something more out there.

« Brave New World, » published in 1932, eerily anticipates developments in reproductive technology, sleep-learning, and psychology.

« 2001: A Space Odyssey » by Arthur C. Clarke

In this 1968 novel (developed in conjunction with Stanley Kubrick’s film), artificial intelligence takes over a space craft — with hopes of taking over the universe.

Named HAL 9000, the computer system is so advanced that it’s capable of guilty, neurosis, and even murder. The bot controls the space craft, so the crew attempts to overthrow it.

CHANSON DOUCE, LEÏLA SLIMANI Editeur Gallimard (PRIX GONCOURT 2016)

 

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Comme Alfred Hitchcock, dans son adaptation de Rebecca et Mrs. Danvers, son horrible gouvernante, Leïla Slimani nous fait emprunter le chemin de la mort, dont l’animatrice principale est une nounou pas comme les autres, recrutée après des entretiens d’embauches rigoureux. Le couple (Paul et Myriam), la jeune femme, avocate, souhaitant retravailler, se met en quête de la nounou parfaite, et choisi Louise, une perle rare, la personne adéquate pour s’occuper de deux enfants et administrer le foyer, permettant à chacun, mari et femme de vaquer à leurs activités professionnelles, sans aucune culpabilité.

Les enfants s’entendent très bien avec Louise, son assiduité, ses heures supplémentaires sans jamais rien réclamer, l’appartement qui est toujours nettoyé à la perfection à la fin de la journée, les délicieux repas qu’elle prépare. Louise devient incontournable dans la famille, indispensable aux yeux des enfants comme des parents, au point même de l’emmener avec eux en vacances l’été. Puis petit à petit vient l’éloignement progressif, à cause de petits évènements qui se succèdent, quand elle maquille à l’excès la fillette de quatre ans, ou quand elle refuse le gaspillage au point de nourrir les enfants avec des aliments périmés récupérés dans la poubelle familiale. A partir de là, Louise est moins désirée dans la famille et personne ne sait comment la faire partir, jusqu’au drame, qui est cet assassinat de deux enfants par la Louise qui les aimait tant. C’est ainsi que commence cette « chanson douce » de Leïla Slimani. Elle titillera par la suite nos sentiments, à chaque page. L’isolement de Louise, qui appartient à cette famille sans en faire partie et qui rentre tard, seule, chez elle le soir avec la peur au ventre d’être rejetée, elle sait tout de cette famille qui ignore tout d’elle. Les qualités de Louise ne nous empêchent d’avoir des doutes, elle est, (trop) dévouée, (trop) irréprochable, (trop) indispensable. Comment dire à Louise qu’elle occupe trop de place quand elle est en même temps si essentielle à Myriam et Paul ?

Puis, on assouplit nos positions car l’auteure nous livre subtilement les aspérités de cette femme, les accidents de sa vie ; cette femme, seule, qui n’a jamais connu ni le plaisir, ni le bonheur réussit le tour de force de nous submerger d’émotion et on se sent porté par l’empathie… ! Egarée dans cette vie qui ne lui a rien épargné, Louise se perd jusqu’à entreprendre l’irréparable. Le roman commence en révélant, dès le premier chapitre, l’assassinat de deux enfants et la tentative de suicide de leur nourrice « qui n’a pas su mourir »… Le style sec et tranchant de Leïla Slimani, où percent des éclats de poésie ténébreuse, instaure dès les premières pages un suspense envoûtant.

D’autres personnages sont superbement construits et donne à ce livre une belle image d’aujourd’hui. Ainsi « Chanson douce » monte en puissance de page en page, jusqu’à l’overdose de décibels. C’est une histoire qui se lit facilement, dont le rythme ne faiblit pas mais qui m’a déçue. D’abord, on s’étonne que les parents soient si fantomatiques dans l’intrigue. Comment passer du statut de mère au foyer à celui de mère absente sans jamais manifester la moindre trace d’un questionnement ? Comment certains écarts de comportement de Louise ont-ils échappé aux parents, alors que Mila, la petite fille, sait parler ? J’ai aussi trouvé ce couple très égoïste, mais à leur décharge c’est aussi un peu le reflet du mode de vie actuel. Tous deux ont des professions qui leur demandent une totale implication. Ils ne comptent pas leurs heures, pensent être obligés d’en faire autant et pendant ce temps, une araignée tisse sa toile lentement pour un jour leur enlever ce qu’ils ont de plus cher et qu’ils ont pourtant délaissé, leurs enfants. Enfin, on reste seul avec ses questions à la fin de l’histoire. Par choix peut-être, Leïla Slimani ne livre qu’une explication sommaire de la psychologie de Louise qui ne semble pas justifier le drame qui s’est joué dans l’appartement. Est-ce pour nous faire passer le message qu’une tragédie est parfois difficile à analyser et à expliquer ? Je ne sais pas mais le résultat reste frustrant. De même, on ignore tout du destin de Stéphanie, la fille de Louise. En tournant la dernière page, je reste avec le sentiment d’avoir parcouru un livre divertissant mais sans grande originalité… et surtout, un roman qui me laisse un goût d’inachevé. « Chanson douce » paru faisait parler beaucoup de lui et il s’est donc retrouvé parmi mes lectures de l’an dernier bien après Petit Pays de Gaël Faye. J’ai repoussé sa lecture, car j’avais des lectures qui étaient prioritaires, mais il était en bonne place dans ma pile à lire.

L’idée de ce récit est née dans l’esprit de Leïla Slimani après avoir découvert un fait-divers similaire dans les journaux. La graine était plantée dans son imagination, restait à imaginer les personnages et leurs ambiguïtés. Pour cela, l’auteure est en partie allée chercher dans son expérience personnelle. Mais elle affirme au HuffPost Maghreb ne pas s’en être « inspiré pour la construction de ses personnages ». Les aspects complexes des personnalités, l’écrivaine est allée les puiser chez elle. Lorsqu’elle a commencé à se plonger dans ce roman, Leïla Slimani était elle-même à la recherche d’une nounou. Difficile alors de ne pas imaginer le pire après avoir découvert ce fait-divers macabre.

Leïla Slimani  est une journaliste et écrivaine franco-marocaine. Elle a notamment reçu le prix Goncourt 2016 pour son deuxième roman, Chanson douce.Après son baccalauréatLEÏLA SLIMANI.jpg obtenu au lycée français Descartes à Rabat en 1999, elle vient à Paris pour ses études en classes préparatoires littéraires au lycée Fénelon. Elle sort ensuite diplômée de l’Institut d’études politiques de Paris. Elle s’essaie au métier de comédienne (en participant au Cours Florent) puis décide de compléter ses études à l’ESCP Europe pour se former aux médias. À cette occasion, elle rencontre Christophe Barbier, alors parrain de sa promotion, qui lui propose une formation à L’Express. Finalement, elle est engagée au magazine Jeune Afrique en 2008 et y traite des sujets touchant à l’Afrique du Nord. Elle démissionne de la rédaction de Jeune Afrique en 2012 pour se consacrer à l’écriture littéraire tout en restant pigiste pour le journal.

En 2014, elle publie son premier roman aux éditions Gallimard Dans le jardin de l’ogre. Le sujet (l’addiction sexuelle féminine) et l’écriture sont remarqués par la critique et l’ouvrage est sélectionné dans les cinq finalistes pour le prix de Flore2014.

Au second tour de l’élection présidentielle de 2017, elle apporte son soutien à Emmanuel Macron pour faire barrage «au déclinisme et à la haine» de Marine Le Pen.

SERIE D’ETE DE L’EXPRESS, Chaque semaine, une nouvelle ayant comme décor une région de France, c’est L’EXPRESS qui nous le fait vivre avec six auteurs différents. Pour cette semaine, mortelle randonnée autour de Banyuls et de la côte Vermeille – Sopor par Franck Thilliez.

Banyuls 1Le jeune auteur s’est lancé un défi d’écrire un texte avec seulement vingt cinq lettres de l’alphabet sans le O disparut. Il se lève du fauteuil et se traine vers la fenêtre. Les vignes à perte de vue,Banyuls Banyuls en mire, alanguie face à la mer, telle une friandise à la cerise sur un bleu en camaïeu. Septembre chauffe les tuiles à blanc, mélange les teintes, s’amuse avec les parfums exprimés par l’été; terres brunes, raisins juste mûrissants.

Sa fiancée manipule les vestiges…………. Si gracieuse, jambes de gazelle, perturbante Taillelauquedans sa tenue de naïade. Greg s’étire, finit le verre de vin entamé avantVan vert la sieste. Une demie heure après, ils sont sur la piste en zigzag dans leur van vert pour aller à la plage de Taillelauque au sud de Banyuls, une crique de rêve très fréquentée en été.

Ils chargent leur kayak de victuailles, d’une tente et de duvets pour fêter leur anniversaire de quatre ans ensemble. Ils arrivent à l’endroit pressenti, un kayakKayak identique au leur est déjà sur place. Ils voient plus loin un van identique au leur en miettes et fumant avec à l’intérieur un être. Greg essaye de porter secours et sent le brusque reflux de vapeur d’essence et discerne une étincelle. Il n’a pas le temps de hurler le ciel s’embrase sur la tête de Greg l’éjecte et l’aplatit.

Après le O, le M fut à son tour chassé de l’alphabet et le retour sur ce fil du rêve qui chambre d'hopitalemprunte la même voie menant à la suppression du a. Ce voyage laissant seulement vingt deux alphabets tout en constituant avec les quatre lettres enlevées le mot « coma » dans le quel Greg se plonge malgré son combat dans cette chambre d’hôpital, polytraumatisé, il n’a pas survécu à son accident de voiture. Il avait rejoint leur paradis.

L’auteur
Franck Thilliez est né en 1973 à Annecy, ingénieur en nouvelles technologies, il vit à Mazingarbe, petite commune proche de Béthune dans le Pas-de-Calais. Romancier, il est également scénariste et a coécrit, avec Nicolas Tackian, les dialogues du film de Pierre Isoard intitulé Alex Hugo, la mort et la belle vie : film inspiré d’un roman américain, Franck Thilliezrelocalisé en Provence pour l’adaptation à la télévision. Grand passionné de thriller à l’instar de 8 millimètres de Joel Schumacher, on en retrouve quelques clins d’œil dans ses romans. Franck Thilliez est membre du collectif d’artistes La Ligue de l’Imaginaire.
Après Conscience animale et Train d’enfer pour Ange rouge, son troisième roman La Chambre des morts est nommé au Prix SNCF du polar français 2007. Le succès rencontré depuis La Chambre des morts lui a permis de cesser son travail d’informaticien, pour se consacrer exclusivement à l’écriture. Son roman Le Syndrome E sorti en octobre 2010 est le premier volume d’une série consacrée à la violence.
La Chambre des morts est adapté au cinéma en 2007 par Alfred Lot. Ses personnages récurrents sont le commissaire «Franck Sharko» apparu seul dans train d’enfer pour Ange rouge puis Deuils de miel, et l’inspectrice «Lucie Henebelle» découverte Angor, Pandemia, et Sharko. Sharko est son dernier roman dans le quel le commissaire «Franck Sharko» et l’inspectrice «Lucie Henebelle»enquetent sur eux-mêmes.

Histoires mauriciennes – Histoires de…»1962 : Malcolm de Chazal raconte les courses

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Quand Malcolm raconte les courses au Champ de Mars, n’importe quel turfiste averti dépose ses jumelles, les marchands d’alouda suspendent leurs gestes, les parieurs s’arrêtent de feuilleter les billets. Et c’est le coeur de l’Ile Maurice qui bat plus fort.
A l’occasion du cent cinquantenaire du Mauritius Turf Club, le grand écrivain Malcolm de Chazal eut l’idée – géniale serait un pléonasme en Malcolm de Chazalparlant de lui – d’écrire un livre racontant le monde hippique. « Les Courses à l’Ile Maurice », paru en 1962, est un petit opus de 40 pages édité par Mauritius Printing, court et brilliant qui raconte si bien la passion de tout un peuple pour les courses de chevaux.

S’il dit d’emblée ne rien connaître du turf, Malcolm est incontestablement un amoureux des chevaux, un familier du monde hippique et un sacré observateur ! Mais il est surtout un passionné de l’Ile Maurice, de son patrimoine séculaire dont le Mauritius Turf Club, véritable institution, est l’un des piliers.
En 1962, le MTC faisait son propre livre du cent cinquantenaire. Malcolm, lui, pensait faire un livre plutôt naïf, rempli d’anecdotes et d’observations personnelles. Il raconte que l’idée lui vint après une nuit pleine de rêve de courses hippiques… Accompagné de son ami Amédée Poupard, issu d’une grande famille de turfistes, il prit rendez-vous avec Paul Hein, le president du MTC qu’il décrit comme “possédé” par sa passion des courses, des chevaux, du turf club… « Nous étions faits pour nous comprendre », dit de lui Malcolm. Paul Hein lui accorda le champ libre, tout était mis à sa disposition pour le projet. « Je voudrais faire de mon livre un vaste geste de communion », écrit-il dans son introduction.
Principal objet d’admiration, le cheval est « noble, humain », pour Malcolm. « Le cheval aime à être aimé, il est l’être le plus généreux de la terre. Il peut être decalé avant la course si son proprietaire a un mot dur. Le cheval est intelligent pas seulement du cerveau mais de tout le corps. Il est si intelligent des jambes qu’il évite son cavalier tombé, d’un réflexe absolu. Et il connait l’opinion de la foule. Car un cheval qui vient d’Afrique du sud, d’Angleterre, de France ou d’Australie, devient Mauricien quand il est en piste », résume-t-il en une description typique de la verve extraordinaire qui fit sa réputation. Et, qualité ultime et fort utile, le cheval donnerait même des tuyaux, selon Malcolm… « Mais y a-t-il quelqu’un qui les écoute », s’interroge-t-il.
Première communion, celle entre l’homme et le cheval, donc. Le cheval et l’homme? Un tandem. « L’homme peut grandir et s’élever dans la compagnie du cheval« , écrit-il. C’est si bien dit que cela suffit a comprendre cette affinité dévorante qui pousse l’homme un samedi ensoleillé sur l’hippodrome bondé du Champ de Mars à venir dévorer l’animal mis à nu dans une chevauchée éperdue vers la victoire de l’effort sur l’adversité.
Prochaine communion, celle entre les hommes eux-mêmes. Elle s’étale à l’état brut dans la plaine, située au coeur du Champ de Mars, « si ruisselante de joie créole« , avec sa foule, vertigineuse de discipline et de nonchalance, avec ses marchands de boissons en tout genre à deux verres pour un sou, ses sorbets, le kulfi malai, ses samoussas, ses pistaches salées, bouillies, grilles et puis aussi son carrousel qui fait la joie des petits et des grands. Il décrit la plaine lors de la grande semaine d’août, celle de la grande course classique du turf mauricien, le Maiden. « Les laboureurs des propriétés sucrières venaient de partout, à pied, en charrette avec leurs familles et leurs ustensiles de cuisine s’installant de bonne heure et préparant leur repas »…
Et au fil de la lecture de cet ouvrage aujourd’hui épuisé, on se rend compte que Malcolm est en fait un connaisseur. Il connait le Champ de Mars par coeur, la plaine et la loge des commisssaires, les traditions vieille-France du Mauritius Turf Club… Il connaît surtout les personnalités du turf comme s’ils avaient joué aux billes ensemble.

Malcolm de Chazal 2

Il cite Alfred Duclos, celui qui présida au centenaire du MTC, en 1912; Gaëtan Halbwachs, avec sa stature, sa gentillesse, cheville ouvrière du succès du turf; Maxime Boullé arrivant à l’aube à l’entrainement dans une auto qui faisait sensation; Joseph Merven, un des meilleurs entraineurs du turf mauricien; Raoul Rivet, sa crinière de lion au vent, serré dans des vêtements sombres, adossé à la barrière du paddock, humant l’odeur du vainqueur; Caïdo Robinson, avec sa mine de turfiste du temps de la reine Victoria, longue vue en bandoulière, monocle vissé à l’oeil; Rajcoomar Gujadhur, la personnalité des personnalités, aimant les courses de tout son coeur, arborant de larges moustaches sur un beau visage couronné d’un turban immaculé et qui possédait les plus grands cracks du turf, dont Damoiselle qui établit un record valable pendant un demi-siècle. Enfin, Malcolm évoque quelqu’un pour lequel il sembait avoir beaucoup de sympathie. “En cette année 1962, il résumait le turf tout entier, la joie du cheval dans toute sa splendeur, Roger de Commarmond, le Centaure”, écrit-il de celui dont l’absence pouvait provoquer une fermeture du turf club ou un refus des chevaux à prendre le départ…
Et il y avait aussi toutes les autres figures du turf, le Dr François Darné, les Clarenc, Dufourq, Esclapon, Fédé de Pitray, Ducler des Rauches, Rawstorne, la svelte et gracieuse Georgina Souchon, femme parmi les hommes, petite fille de Tristan Mallac, grand propriétaire de coursiers. Malcolm les cite tous. Tous connaissaient les courses, vivaient pour les courses et n’étaient jamais plus heureux qu’au moment de l’ouverture de la saison hippique…
Comme la plupart des Mauriciens, Malcolm aime profondément le monde des courses de chevaux. Pour lui, en ce cent cinquantenaire, il y a tout lieu d’être fier du turf  club, l’un des plus vieux clubs hippiques du monde. Belle, aussi, cette tradition des courses, intiment liée au destin de l’île Maurice, au même titre que son port et ses champs de cannes. Le turf club “est” au pays, comme il le dit lui même…
A la fin de son récit, en un élan visionnaire, Malcolm se permet même de faire des recommendations pour l’avenir. Avec la population qui grandit, il faudrait, selon lui, agrandir les tribunes en « achetant le jardin suspendu qu’est l’immeuble Gujadhur »… « Que la piste reste là où elle est », prévient-il cependant. Autre suggestion: former nos propres jockeys, à l’image des Lall et Adrien, uniques en leur genre, à l’époque.
Et il conclut son tour de piste par une de ces belles pensées dont il a le secret. « En cette année 1962, les temps changent déjà. On ne s’aime plus avec des faveurs et des regards, c’est le temps du twist, du bikini et du Martini sec. La femme reste la femme et l’homme reste l’homme. Mais le cheval ? Il est éternel, puisqu’il est l’élan vers la vie »…

Sources – “Les Courses à l’Ile Maurice”, de Malcolm de Chazal
Crédit photo : Jaffar Houssain SOBHA – tibayesobha@gmail.com

 

Histoires mauriciennes – Histoires de…»Quand Alexandre Dumas promène son regard sur le Champ de Mars

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Alexandre Dumas aurait-il assisté au plus grand classique du turf mauricien, la Maiden Cup, qu’il appelle la “grande course” la décrivant dans ses moindres details ?
Le grand romancier français, auteur notamment des Trois Mousquetaires et du Comte de Monte Cristo, avait des origines créoles. Fils d’un Haïtien et d’une Française, Dumas n’a cependant jamais mis les pieds dans les îles, encore moins à l’île de France. Pourtant dans son roman Georges qui se passe presqu’entièrement à Maurice durant les premières décennies du 19e siècle, il se livre à une description dantesque de la course et des ses préliminaires…

Au chapitre XVII du roman, intitulé Les courses, l’auteur commence par évoquer les fêtes du Yamsé qui ont lieu un samedi à Port-Louis. Il explique que cette fête réunissant, dans les rues de Port-Louis, “les lascars de mer et les lascars de terre, précédés d’une musique barbare consistant en tambourins, flûtes et guimbardes”, n’est cependant qu’un “prologue” à la grande journée du lendemain, dimanche, dédiée aux courses de chevaux.
Nous sommes en l’an de grâce 1824 et Port-Louis a été frappé, six jours plus tôt, par un cyclone que Dumas appelle par ailleurs “ouragan”. La journée de courses se déroule donc dans un contexte post cyclonique et festif.
Si un grand nombre de spectateurs était déjà massé dès le lever du jour dans toute la partie non réservée du Champ de Mars, les notables, eux, ne commencèrent à arriver qu’à partir de 10h. “Comme à Londres, comme à Paris, comme partout où il y a des courses, des tribunes avaient été réservées pour la société. Mais soit par caprice soit pour ne pas être confondues les unes avec les autres, les plus belles femmes de Port-Louis décidèrent d’assister aux courses dans leurs calèches (…) toutes vinrent se ranger en face du but laissant les autres tribunes à la bourgeoisie ou au négoce secondaire (…)”
Dumas cite même des jeunes filles issues de familles connues, comme “mademoiselle Cypris de Gersigny, alors l’une des plus belles jeunes filles, aujourd’hui encore l’une des plus belles femmes de l’île de France et dont la magnifique chevelure noire est devenue proverbiale, même dans les salons parisiens”. Ou encore les six demoiselles Druhn (déformation du nom de famille Drouhin?), “si blondes, si blanches, si fraîches, si grâcieuses”…
Quant aux jeunes gens, l’auteur explique qu’ils étaient pour la plupart à cheval et s’apprêtaient à suivre les coureurs dans la partie intérieure du tracé de la course, pendant que les amateurs se tenaient sur le turf, occupés à parier “avec le laisser-aller et la prodigalité créoles”.
Dumas indique aussi que d’autres courses “grotesques” avaient lieu en guise de préliminaires: une course au cochon au cours de laquelle le public essayait d’attraper un cochon dont on avait graissé la queue avec du saindoux; une course aux sacs réunissant cinquante coureurs dont le premier prix était un parapluie qui “aux colonies et surtout à l’île de France a toujours été l’objet de l’ambition des nègres”; et une course sur deux tours de piste disputée par une trentaine de poneys, “montés par des jockeys indiens, madécasses ou malais et qui récréent le plus la population noire de l’île”.
La principale attraction demeurait cependant la course principale, réservée aux gentlemen riders. Et c’est là que la fiction prend le pas sur la réalité, dans le roman de Dumas. Dans la grande course, les participants sont au nombre de quatre et l’un des cavaliers n’est autre que Georges Munier, le mulâtre, qui n’avait qu’une seule idée en tête, celle de se venger des insultes qui lui avaient été faites par Henri de Malmédie, propriétaire et cavalier de l’un des quatre coursiers alignés au départ. Les autres coursiers appartenaient à un certain M. Rondeau de Courcy et au colonel Dreaper (ou le fameux Draper?) Et, après deux tours de piste, rythmés par une chute, quelques acrobaties et les applaudissements nourris de vingt-cinq mille spectateurs faisant flotter leurs mouchoirs, c’est bien évidemment Georges, monté sur un pur sang arabe, qui gagna la course… sans empocher le trophée, une coupe en vermeil et avant de disparaître, à la stupéfaction générale, dans les bois entourant le tombeau Malartic !
C’est ainsi qu’Alexandre Dumas conclut sa tournée, après avoir entraîné le lecteur dans une virevoltante description d’une journée de courses au Champ de Mars… sans y avoir jamais assisté. Comme chacun le sait, il a souvent fait intervenir des contributeurs dans l’écriture des ses nombreux romans.

Mais qui est donc celui auquel il fit appel pour écrire Georges et plus particulièrement ce passage très bien documenté sur les courses?
Vous le saurez dans un prochain article à paraître sur Histoire(s) Mauricienne(s) …

SERIE D’ETE DE L’EXPRESS, Chaque semaine, une nouvelle ayant comme décor une région de France, c’est L’EXPRESS qui nous le fait vivre avec six auteurs différents. Pour cette semaine, Fréjus. – V. Meurtre à la Gabelle. – de Patrick Raynal – « Le racisme et la haine s’insinuent entre deux amis d’enfance. »

Fréjus

Le père de Mohamed et d’Ali travaillait à l’usine avec le père du narrateur (Robert identifié à la première personne dans notre récit), il ne souriait pas beaucoup, car il avait la devanture abimée, c’était en Tunisie, on lui avait cassé toutes ses dents. Puis on lui avait fait un dentier en ferraille lui donnant l’air de sortir d’un film de James Bond. Il était bien aimé par son collègue, il racontait comment la police tunisienne lui avait fait cette misère sans pouvoir lui en tirer un mot. En réponse, il avait bousillé la moitié d’une compagnie en s’évadant comme le père de Robert, qui lui s’était pris les CRS lors des grandes grèves des années 60 et on lui avait refilé un dentier qui devait servir à Mike Tyson. Ils étaient communistes tous les deux, sauf que le père Mohamed avait cessé de pratiquer de peur de se faire virer de son boulot. Il faut le comprendre car il ne fait pas bon d’être arabe à Fréjus et si en plus communiste. A la place, il fait le ramadan, ca se voit moins qu’un arabe qui fait la politique. Ma mère concluait en disant que ce sont des infidèles, oubliant qu’elle passait son temps à échanger des recettes avec Yasmina, la mère de Mohamed. Mon père, tout communiste qu’il est, a voté Front National. Tout a commencé avec la mort de Mohamed.
On était à la Gabelle, lieu des pauvres et propice pour faire des chiffres pour les flics. Il arrive que je regrette de n’avoir pas empêché MohamedLa gabelle d’aller les narguer avec sa moto pas encore immatriculée. Ils l’ont coursé, Mohamed a fini dans un arbre sans casque ce qui a entrainé une révolte dans la cité. C’est à ce moment qu’est apparu un chef qui deviendra le caïd de la cité du nom de « le P’tit juif ». Il était devenu le référent pour l’évolution des pauvres à la Gabelle. Je m’étais adressé à lui et il m’avait demandé d’aller faire ma demande à la police municipale de Fréjus. La vie était plutôt belle sauf pour les gens de la Gabelle. Le nouveau maire avait refusé la construction de la mosquée déjà votée par son prédécesseur et les arabes étaient obligés de prier dehors.
Après la mort de Mohamed, son frère, Ali était passé du chagrin à l’héros. Il mohamed frejusétait le dealer du quartier et mon petit frère était devenu accro. Jef avait échangé quelques mois de tôle contre deux ans d’armée en Afghanistan et avait une haine prononcée contre les dealers arabes. Et c’est comme ça que j’ai commencé à assister à des réunions qui résumait la situation, en une nécessité de maintenir la poubelle blanche sans les arabes, les blacks et les gitans. Un jour Michel m’a craché au visage en me traitant de « sale merde de facho » comme un non être, Michel, Ali et moi étaient des amis du collège, c’est lui qui avait eu l’idée d’aménager la cave pour fumer et répéter les morceaux de Rap. J’ai voulu le rattraper pour le corriger mais les copains m’ont retenu en arguant que les choses sont entrain de changer et il va se rendre compte. Pour moi, c’est vrai, les choses ont changé, j’habite en centre ville dans un bel appartement et je porte le casque et la matraque. Le maire a œuvré pour faire croire qu’il tenait la dragée haute aux arabes de Fréjus et j’avais adhéré à sa démarche. J’avais oublié Ali, jusqu’au jour ou Jef m’a fait remarquer à un bal du 14 juillet la présence d’Ali dansant avec une blonde. Jef m’a aussi dit qu’il fallait que j’aille lui me présenter la note pour mon défunt de frère. J’ai repensé à ce moment tragique dans la cave du bloc D, arguant auprès de Jef que Manu avait sa part de responsabilité. Je lui ai demandé qu’on quitte ce lieu pour ne pas stigmatiser qu’Ali.
Les choses ont continué d’évoluer et par la suite les gens de Gabelle ne voulaient plus nous voir quand la presse s’y rendait. J’étais monté en grade et la loi avait autorisé le port d’armes pour les policiers municipaux, un 9 mm semi automatique, les policiers avaient gardé les 357, c’est un flingue et le 357 magnum c’est du Clint Eastwood.
Un soir d’hiver, en sortant du stand de tir, j’attendais Jef et deux autres types qui devaient me rejoindre, j’ai vu Ali entrain de taguer un mur du stade avec des slogans à la con.
Tire toi d’ici Ali, j’ai gueulé.
Il a tourné la tête et n’a pas arrêté de badigeonner,
Ok Robert, jette ton flingue et on discute,. m’a-t-il répondu
Putain ce n’est pas de conneries…..Tire toi de là avant que………
Avant que quoi ? a dit Jef dans mon dos, en ajoutant tu voulais le tirer sans nous peut être.
Tu pourrais quand même lui dire d’arrêter de saloper ce mur, ricana Jef, c’est pour ca qu’on te paye non ?
Ali continuait de peindre avec sa bombe, ne faisant pas attention aux mises en garde de Jef et de Robert qui le met en état d’arrestation et Ali répondit.
Pour mon cul pauvre taré, il a fait en se retournant brusquement. T’as aucun droit même pas celui de porter ce flingue à la con….Tu peux juste pleurer dans ta radio pour appeler les vrais flics à ton secours.
Je me souviens avoir crié quelque chose en sortant mon 357. J’ai senti le recul, j’ai vu son crâne éclater.
Au tribunal l’avocat a argué la provocation et Jef est venu raconter l’histoire de mon frère et en prison on me considère comme un héros. Ali aussi est considéré comme un héros, un groupe de Rap a pris son nom et on parle de faire un film sur lui.
Je suis content pour lui et pour la Gabelle, c’est bien qu’on se souvienne un jour que c’était un quartier de Fréjus.

L’auteur
Patrick Raynal est un écrivain français de roman noir, il a été assureur, Patrick Raynalcritique littéraire ( Nice matin et le monde) et romancier. Il a fait partie de la gauche prolétarienne. Considéré comme un spécialiste de la littérature américaine, il collabore, de 1990 à 1995, au journal « Le Monde » (Le Monde des Livres) La même année, il obtient le Prix Mystère de la critique pour son roman Fenêtre sur femmes. En 1991 Antoine Gallimard lui confie la direction de la fameuse collection de polars « Série noire » qu’il dirigera jusqu’en 2004. En 1992 il crée la mythique collection « La Noire ». En 1995 dans le numéro de février de la revue « Esprit » (Page 77 à 96) il affirme que « Le roman noir est l’avenir du roman « . Depuis novembre 2004, il a rejoint les Éditions Fayard (Collection Fayard Noir) Il est également scénariste, et a participé, en 1998, à l’écriture du film Le Poulpe avec Jean Bernard Pouy et Guillaume Nicloux. Son ouvrage, « Lettre à ma grand-mère » (Flammarion) n’est pas un roman mais un récit autobiographique sur le parcours de sa grand-mère, déportée à Ravensbrück pour faits de résistance. Depuis 2010, il enseigne le « creative writing » à l’Institut des Sciences Politiques. Conseiller littéraire du Salon du Livre de Colmar, il invite une vingtaine d’écrivains sur l’espace « La Tasse de T de Patrick Raynal ». Il a écrit récemment avec Gérard Filoche Cérium paru aux éditions du cherche midi.

Terre, terre, voici ses rades inconnues. Le Roman inachevé de Louis Aragon. – Passion des mots, passion de la vie

Louis Aragon.

Que serais-je sans toi qui vint à ma rencontre.
Que serais-je sans toi qu’un cœur au bois dormant.
Que cette heure arrêtée au cadran de la montre.
Que serais-je sans toi que ce balbutiement.

J’ai tout appris de toi sur les choses humaines.
Et j’ai vu désormais le monde à ta façon.
J’ai tout appris de toi comme on boit aux fontaines
Comme on lit dans le ciel les étoiles lointaines.
Comme au passant qui chante, on reprend sa chanson.
J’ai tout appris de toi jusqu’au sens de frisson.

J’ai tout appris de toi pour ce qui me concerne.
Qu’il fait jour à midi, qu’un ciel peut être bleu
Que le bonheur n’est pas un quinquet de taverne.
Tu m’as pris par la main, dans cet enfer moderne
Où l’homme ne sait plus ce que c’est qu’être deux.
Tu m’as pris par la main comme un amant heureux.

Qui parle de bonheur a souvent les yeux tristes.
N’est-ce pas un sanglot que la déconvenue
Une corde brisée aux doigts du guitariste
Et pourtant je vous dis que le bonheur existe.
Ailleurs que dans le rêve, ailleurs que dans les nues.

C’est une de mes préférées, j’ai voulu la partager en vous souhaitant un dimanche heureux.