Banque mondiale – Quel avenir énergétique face à la rareté de l’eau ?

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LES POINTS MARQUANTS :

  1. L’eau et l’énergie sont deux secteurs inextricablement liés et interdépendants.
  2. Alors que ces deux ressources font l’objet d’une hausse de la demande mondiale, la pénurie d’eau menace la viabilité à long terme des projets énergétiques, avec de graves conséquences pour le développement.
  3.  Face à un avenir incertain, la Banque mondiale lance une initiative mondiale dont l’objectif est d’aider les pays à s’y préparer dès à présent.  Il s’agit de mesurer les compromis eau/énergie et d’identifier les synergies possibles entre les politiques de gestion de ces deux ressources.

La sécurité énergétique et la sécurité hydrique occupent une place capitale dans le développement humain et économique. Ces deux ressources sont aujourd’hui plus interdépendantes que jamais. Qu’il s’agisse de l’hydroélectricité, bien sûr, mais aussi du refroidissement des centrales thermiques ou encore de l’extraction et de la transformation des combustibles, la quasi-totalité des procédés de production d’énergie exige d’importantes quantités d’eau. Inversement, le pompage, le traitement et le transport de l’eau nécessitent de l’énergie, principalement sous forme d’électricité. Le couple eau/énergie est par ailleurs indispensable à la production agricole, où il est notamment nécessaire à la culture des biocarburants qui permettront à leur tour de produire de l’énergie.

Or, les ressources énergétiques et les ressources en eau sont soumises à des pressions sans précédent, et font l’objet d’une concurrence croissante de la part des populations, des industries, des écosystèmes et des économies en pleine expansion. Quand la population mondiale atteindra les 9 milliards d’habitants, la production agricole devra avoir augmenté de 50 % tandis que les prélèvements d’eau, déjà mis à rude épreuve, devront s’accroître de 15 %. D’ici 2035, la consommation énergétique mondiale augmentera de 35 %, ce qui déterminera une hausse de 15 % de l’utilisation d’eau, tandis que la consommation d’eau du secteur énergétique augmentera de 85 % selon les projections de l’Agence internationale de l’énergie (AIE).

Le changement climatique viendra ajouter davantage d’incertitude à cette situation en provoquant une variabilité accrue des disponibilités d’eau et une intensification de la fréquence et de la gravité des inondations et des sécheresses. À mesure que les températures augmentent, les fleuves et les lacs où les centrales électriques puisent l’eau nécessaire au refroidissement de leurs systèmes se réchauffent eux aussi, ce qui rendra la production d’électricité de plus en plus difficile au cours des décennies à venir.

Les risques pour le secteur de l’énergie

Dans le monde entier, les pénuries d’eau pèsent déjà sur la viabilité à long terme des projets énergétiques. Pour la seule année écoulée, les pénuries d’eau ont provoqué la fermeture de centrales thermiques en Inde, fait chuter la production énergétique des centrales aux États-Unis et menacé la production hydroélectrique de nombreux pays, dont le Sri Lanka, la Chine et le Brésil.
Près de 93 % des réserves pétrolières souterraines du Moyen-Orient sont exposés à un niveau de risque hydrique moyen ou élevé. Les pays en développement sont les plus vulnérables, car ils ont rarement les capacités nécessaires pour répondre à la forte progression des besoins.
En dépit de ce contexte inquiétant, la planification et la gestion de la production énergétique prennent aujourd’hui rarement en considération les problèmes que pose et posera de plus en plus l’approvisionnement en eau, pas plus d’ailleurs qu’elles n’intègrent les risques de phénomènes extrêmes.

Comme l’explique la directrice exécutive de l’AIE, Maria van der Hoeven, « les planificateurs et les décideurs des deux secteurs sont souvent mal informés des facteurs qui sous-tendent ces enjeux, des moyens d’y faire face et des avantages respectifs des différentes solutions envisageables sur le plan technique et politique ainsi que sur celui de la gestion et de la gouvernance ». Or, prévient-elle, « l’absence d’une planification intégrée entre les deux secteurs n’est pas viable du point de vue socioéconomique ».

En matière d’investissements énergétiques, le défaut d’évaluation des besoins en eau et d’analyse des contraintes hydriques futures a pour conséquence une hausse des coûts et des risques. De fait, l’approvisionnement en eau est considéré comme un risque important pour la plupart des compagnies d’énergie et d’électricité, qui sont nombreuses à faire état de retombées négatives sur leur activité.

Des solutions à la mesure de la complexité des enjeux

Plusieurs solutions existent pour s’attaquer au double défi de l’eau et de l’énergie, et de nombreux pays ont déjà pris l’initiative d’engager des mesures audacieuses. Les Émirats arabes unis, par exemple, s’emploient à diversifier leur panier énergétique en favorisant les énergies propres au détriment du gaz naturel. Le gouvernement a l’intention de construire la plus grande usine mondiale de dessalement solaire qui aura une capacité de traitement journalière de plus de 83,3 millions de litres d’eau potable et produira 20 mégawatts d’électricité. Les Émirats arabes unis, qui abritent déjà la plus grande centrale et station de dessalement du monde, montrent ainsi comment l’on peut trouver des solutions intégrées au double défi de l’eau et de l’énergie.

Les pays peuvent également réduire leur dépendance hydrique en installant d’autres systèmes de refroidissement dans les centrales thermiques, en étudiant les possibilités de traitement des eaux saumâtres et salines, en améliorant l’efficacité des centrales électriques et en remplaçant celles qui sont anciennes et peu performantes. Par ailleurs, on sait aussi que les centrales hydroélectriques au fil de l’eau sont, par rapport à celles alimentées par un réservoir, davantage à même de gérer les variations hydrologiques d’origine climatique.

Ces solutions sont néanmoins tributaires de nombreux facteurs, dont la technologie, l’environnement et les aspects financiers, sans compter qu’elles doivent tenir compte des spécificités propres aux sites concernés. Une bonne intégration des secteurs de l’énergie et de l’eau, au niveau de la planification et des décisions d’investissement, permet d’aborder convenablement toutes les complexités que pose ce double enjeu.

Une dynamique à enclencher

Face à ce défi, et afin de limiter les risques qui en découlent, la Banque mondiale a lancé une nouvelle initiative baptisée thirsty energy (« l’énergie a soif ») et dont l’inauguration officielle a eu lieu cette semaine à Abou Dhabi (Émirats arabes unis), à l’occasion du Sommet mondial des énergies du futur.

Cette initiative vise à aider les gouvernements à se préparer pour un avenir incertain et à dépasser les cloisonnements qui font obstacle à une planification intersectorielle. Il s’agit de mesurer les compromis entre la gestion des ressources hydriques et celle des ressources énergétiques, et d’identifier les synergies possibles.

L’un des atouts majeurs de cette initiative réside dans le fait qu’elle prend le secteur de l’énergie comme point de départ pour promouvoir le dialogue, mettre au point des solutions et ajuster les approches en fonction des ressources disponibles et des réalités institutionnelles et politiques du pays concerné.

L’initiative montre l’utilité d’une gestion conjuguée de l’énergie et de l’eau au moyen de travaux réalisés à la demande d’un certain nombre de pays. Illustrant ainsi comment on peut favoriser un développement durable grâce à des outils opérationnels de gestion des ressources fondés sur des données factuelles, elle produit des connaissances qui pourront être partagées à plus grande échelle avec d’autres pays confrontés à des problèmes analogues.

Banque mondiale – Eau.

EauL’essor démographique et la croissance économique n’ont jamais autant pesé sur les ressources en eau. En se basant sur les pratiques actuelles de consommation, on estime que la planète sera confrontée d’ici 2030 à un déséquilibre de 40 % entre l’offre et la demande mondiale en eau.

La santé, l’alimentation, la production d’énergie, la gestion de l’environnement et la création d’emplois en sont éminemment tributaires. La disponibilité et la gestion de l’eau ont un impact sur de nombreux aspects, de la scolarisation ou non des filles défavorisées à la salubrité des villes ; elles jouent également sur la capacité de résistance d’industries en essor ou de villages pauvres face à des situations d’inondation ou de sécheresse.

La sécurité hydrique figure toujours au nombre des principaux risques mondiaux (a) en termes d’impact sur le développement et elle jouera un rôle essentiel dans la réalisation des Objectifs de développement durable. En effet, la communauté mondiale ne sera pas en mesure de relever les défis du développement de notre siècle — développement humain, villes vivables, changement climatique, sécurité alimentaire, sécurité énergétique — si elle ne parvient pas à améliorer la gestion des ressources en eau et à garantir l’accès à une eau saine et à des services d’assainissement.

Or la sécurité hydrique demeure un défi pour de nombreux pays en proie à des difficultés importantes dans le secteur de l’eau et qui touchent tous les pans de leur économie. L’essor démographique et la croissance économique n’ont jamais autant pesé sur les ressources en eau. En se basant sur les pratiques actuelles de consommation, on estime que la planète sera confrontée d’ici 2030 à un déséquilibre de 40 % entre l’offre et la demande mondiale en eau. Aujourd’hui, 70 % des prélèvements en eau sont consacrés à l’agriculture. Pour nourrir 9 milliards d’êtres humains à l’horizon 2050, la production agricole devra augmenter de 60 % et les prélèvements en eau de 15 %. Par ailleurs, nos Eau 1besoins en eau pour la production d’énergie sont voués à croître, sachant que 1,3 milliard de personnes sont encore privées d’accès à l’électricité. Enfin, plus de la moitié de la population mondiale vit actuellement en ville et ce processus d’urbanisation s’accentue rapidement. Et comme les nappes phréatiques s’épuisent plus vite qu’elles ne se reconstituent, près de 1,8 milliard de personnes vivront en 2025 dans des régions ou des pays qui connaîtront une pénurie d’eau absolue.

Un rapport de la Banque mondiale (a) publié en mai 2016 indique que la raréfaction des ressources en eau, exacerbée par les changements climatiques, pourrait entraîner dans certaines régions un recul de 6 % du PIB, une hausse des flux migratoires et le déclenchement de conflits. L’effet cumulé de l’essor démographique, de l’accroissement des revenus et de l’expansion des villes se traduira par une augmentation exponentielle de la demande en eau, alors que l’approvisionnement hydrique devient plus inégal et plus aléatoire.

Tout ceci survient dans un contexte où le dossier crucial de l’accès aux services d’eau et d’assainissement est toujours en souffrance. En dépit de progrès remarquables Eau 2.jpgaccomplis ces dernières décennies, 2,4 milliards de personnes n’ont toujours pas accès à des installations sanitaires correctes, et un milliard d’entre elles défèquent à l’air libre. Au moins 663 millions de personnes sont en outre toujours dépourvues d’un accès à une eau potable de qualité. Chaque année, près de 675 000 personnes décèdent prématurément en raison d’installations sanitaires insuffisantes, d’une eau insalubre et du manque d’hygiène. Dans certains pays, cette situation se traduit par un manque à gagner annuel qui peut représenter jusqu’à 7 % du produit intérieur brut.