Institut Montaigne  – « Le numérique modifie directement les modalités de recrutement et de recherche d’emploi. » Jean Bassères, directeur général de Pôle emploi –  publié  le 26 septembre 2017 dans  dans  Emploi / Entreprise

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La réforme du Code du travail est amenée à fluidifier le marché du travail. Cependant, l’ambition du gouvernement consiste plutôt à adapter le cadre législatif aux transformations provoquées par la révolution numérique. Comment ces mutations affectent-elles les missions de Pôle emploi, l’opérateur public de référence sur la sécurisation des parcours professionnels ? Éléments de réponse par Jean Bassères, son directeur général.

La révolution numérique transforme profondément le marché du travail et notamment la relation des individus à l’emploi. Quelle est votre vision de ces évolutions ?

Le développement du numérique a plusieurs conséquences pour l’activité de Pôle emploi. En premier lieu, il modifie directement les modalités de recrutement et de recherche d’emploi par l’accès plus simple et plus rapide qu’il permet à une information beaucoup plus vaste. Mais il découle de cela au moins deux autres effets, indirects et plus complexes : l’élargissement des opportunités professionnelles, avec des aspirations individuelles et des possibilités de reconversion plus vastes (qui peuvent notamment s’appuyer sur les nouveaux modes de formation permis par le numérique), d’une part ; la possibilité d’améliorer l’adéquation entre les profils des candidats et les besoins exprimés par les recruteurs, d’autre part. Cette opportunité nécessite toutefois d’affiner les diagnostics et de renforcer les compétences, par exemple par la formation. Pour Pôle emploi, acteur du service public, ces évolutions interrogent notre propre mode de fonctionnement. Elles constituent un formidable défi qui nous conduit à innover en permanence, à développer de nouveaux services en nous appuyant sur nos start-up internes, en incubant d’autres start-up, en stimulant l’innovation et en organisant des challenges, pour apporter des réponses concrètes aux demandeurs d’emploi et, plus largement, à l’ensemble des actifs et aux recruteurs.

Le numérique transforme également l’approche de notre métier. À la faveur de cette transformation, nos conseillers ont pu réinvestir pleinement leur fonction d’accompagnement. Cette mission demeure essentielle et s’effectue de concert avec le déploiement des services numériques. La dématérialisation de certaines fonctions ou étapes du parcours du demandeur d’emploi, comme l’inscription et la demande d’indemnisation qui se font désormais intégralement en ligne, nous a ainsi permis de redéployer des agents vers des missions de conseil en emploi et d’augmenter de 15 points le temps consacré à l’accompagnement par les conseillers.

Pôle emploi est un acteur essentiel de la sécurisation des parcours professionnels, notamment pour ce qui concerne la formation professionnelle. Qu’attendez-vous des réformes annoncées par le gouvernement en la matière ?

Le plan d’investissement dans les compétences annoncé par le gouvernement concernera notamment Pôle emploi. Nous nous sommes déjà fortement investis dans la mise en œuvre du « Plan 500 000 formations supplémentaires » en 2016 et de son prolongement en 2017. Cet effort de formation sans précédent constitue une réponse adaptée au besoin croissant de qualification exprimé par les demandeurs d’emploi, notamment les plus éloignés de l’emploi, au regard des évolutions rapides du marché du travail. La qualité du conseil apporté par Pôle emploi et l’intérêt des formations suivies ont été confirmés par le niveau de satisfaction très élevé concernant la formation et l’aide apportée par Pôle emploi : 87,5 % des demandeurs d’emploi qui ont terminé leur formation en sont très ou assez satisfaits.

Plus généralement, l’investissement dans les compétences est à la fois la clé d’une entrée réussie sur le marché du travail pour les jeunes et une condition essentielle de la sécurisation des parcours professionnels sur le long terme. Cet investissement assure en effet l’adaptation des compétences individuelles à l’évolution permanente et de plus en plus rapide des métiers. Il doit s’inscrire dans la durée, en dotant chaque actif, quel que soit son statut, des moyens de se former tout au long de sa carrière.

 

Tribune – Pour une fusion des institutions représentant le personnel – MARDI 5 SEPTEMBRE 2017 JACQUES BARTHÉLEMY ET GILBERT CETTE – LES ECHOS | LE 26/05/2017

 

Le droit du travail est protecteur ou il n’est pas. Le droit du travail plus contractuel qui se dessine peu à peu est davantage à même de concilier efficacité économique, ce qui favorise l’emploi, et protection des travailleurs, un droit légal hypertrophié étant largement méconnu, donc incomplètement appliqué. Mais il ne saurait se limiter au « renversement de la hiérarchie des normes ». Est notamment indispensable, du fait de cette architecture nouvelle, la prise en compte, également, pour la définition de l’intérêt de l’entreprise, de celui de la collectivité du personnel. Donner de la consistance juridique à la collectivité de travail est donc une exigence d’intérêt général. Cela ne peut se concrétiser que par l’accroissement du rôle du comité d’entreprise, instrument de l’expression collective du personnel.

Conforter le rôle du comité d’entreprise, c’est en faire l’équivalent du « Betriebsrat  » allemand, qui est en quelque sorte le « conseil d’administration de la collectivité du personnel « , contribuant au fonctionnement démocratique de l’entreprise, en parallèle avec le directoire de la société. Dans ces conditions, les membres du personnel siégeant au conseil de surveillance ne devraient pas être désignés par les syndicats, mais être issus du comité d’entreprise, dont, de ce fait, l’employeur doit être exclu. S’il en est en France le président, c’est parce qu’à l’origine (en 1945) étaient surtout mises en avant ses attributions dans l’ordre social, dont l’intérêt est moins important aujourd’hui que celles d’ordre économique. Cela induit que, dans certains domaines où sont susceptibles d’être affectés des droits fondamentaux, le comité dispose d’un droit de veto. Ce pourrait être le cas pour les questions susceptibles de mettre en cause le droit à l’emploi, voire le droit à l’employabilité et le droit à la santé.

Les institutions représentatives du personnel sont le moyen de donner de la vigueur aux droits collectifs du personnel. Mais s’arc-bouter, au motif que ce serait une régression sociale, sur la coexistence du comité d’entreprise, du CHSCT et des délégués du personnel n’a pas de sens. Au demeurant, jusqu’en 1982, le CHSCT n’était qu’une commission du CE et il peut très bien le redevenir sans affecter pour autant la politique de prévention et de santé au travail. De même, les délégués du personnel n’ont plus qu’une fonction mineure depuis qu’a été créé le délégué syndical en 1968, et que les attributions du CE dans l’ordre professionnel se sont accrues.

Mieux vaut donc accroître les moyens du CE et supprimer les autres institutions (CHSCT et DP). L’efficacité de la représentativité et de la protection des travailleurs ne dépend ni du nombre d’institutions ni du volume des délégués et des heures de délégation. La juxtaposition actuelle de ces institutions est complexe et coûteuse, elle n’existe à notre connaissance dans aucun autre pays développé et pénalise l’efficacité économique sans que sa performance protectrice ne soit avérée. Les esprits ont évolué, la loi Rebsamen en est la démonstration. Elle permet déjà par accord de rassembler les différentes IRP dans une institution unique.

La réforme programmée du droit du travail ne peut être efficace que si, en même temps que généraliser la supplétivité de la norme légale au-delà des principes à l’égard du tissu conventionnel et celle de la convention de branche à l’égard de l’accord d’entreprise au-delà de ce qui concrétise l’ordre public professionnel, est consacrée la personnalité morale de la collectivité du personnel. Ses intérêts peuvent alors être aisément conjugués avec ceux de la collectivité des détenteurs du capital, permettant ainsi de donner du sens à l’intérêt de l’entreprise. Autant dire que l’unicité d’institutions grâce à l’extension des pouvoirs du comité d’entreprise contribue à concilier efficacité économique et protection des travailleurs.

Jacques Barthélemy et Gilbert Cette

Jacques Barthélemy est avocat-conseil en droit social. Gilbert Cette est professeur associé à l’université d’Aix-Marseille. Ils sont les auteurs de « Travailler au XXIe siècle – L’ubérisation de l’économie ? » (Odile Jacob) en 2017.

C’est un avis fort intéressant.