La Gazette – Hell-Bourg, seul « Plus beaux villages de France » d’outre mer par Anne Lebot

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On y revient volontiers, car son capital séduction est assez remarquable. Ses nombreux points de départ pour la marche en haute montagne, ses maisonnettes coquettes et fleuries y sont pour beaucoup. En faveur d’une autre lecture de ce village des Haut de La Réunion, rien de tel qu’un « guide péi » pour le découvrir au rythme de son paisible pouls

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Situé dans la cirque de Salazie, le plus arrosé de l’île, Hell-bourg labellisé « Plus beaux villages de France » depuis 1998 tire son identité d’une âme authentiquement créole et d’une architecture Belle époque héritée d’une activité thermale désormais révolue. Le charme opère dès l’entrée par la route principale. Vu nulle part ailleurs dans l’île, vert pistache, jaune canari, bleu ciel ou rose saumon sont les couleurs choisies pour habiller les maisons, scrupuleusement entretenues par la municipalité. Une singularité issue des régulières opérations coup de pinceau, dont le premier fut donné dans les années 80 à l’initiative de Raphaël Folio, un habitant soucieux de sauvegarder sa maison créole, le patrimoine du village et le concours d’Yves Augeard, architecte des Bâtiments de France en fonction à La Réunion. « On s’est aperçu en grattant les premières couches de peinture, que blanc cachait en fait du bleu, du jaune ou du vert. Le village n’a fait que réhabiliter ses couleurs d’origine», raconte Dominique, mon « guide pei ». L’aurais-je su, sans ces digressions à caractère géographique ou culturel dont Dominique, plus connu sous le sobriquet de Dodo est porteur, j’en doute.

Version 2

Herbe à Sitarane et bois de contrebande

Si le circuit touristique convenu du village passe par la Villa Folio, une demeure représentative de l’architecture typique du 19ème siècle et désormais ouverte au public, son Eco-musée, celui des Musiques et des Instruments de l’océan Indien, l’institution Dodo guide péiqu’est devenu l’hôtel-restaurant « Le relais des cimes » pour cause de cuisine goûteuse où le chouchou tient une place de roi, le « guide péi » entraîne sur des terrains d’évidence moins immédiate mais tout aussi intéressants. Au cours d’un détour à Mare à poule d’eau, un plan d’eau fréquenté par les pêcheurs et les jeunes amoureux, les fleurs du datura, prolifiques autour de la mare deviennent sous ses mots de l’herbe à Sitarane, « un meurtrier ayant semé le chaos dans l’île au 19ème siècle qui se servait des propriétés paralysantes de cette fleur avant de fondre sur ses proies», et l’écorce des immenses camphriers alentours, du bois de contre bande, en deux mots. « Ce nom parce que l’on donnait des décoctions de ce bois aux marins en mer durant de longs mois pour calmer leurs ardeurs », poursuit Dominique en souriant. Ce dernier promet maintenant un endroit qui dépasse en authenticité tout ce que l’on aurait déjà pu découvrir dans les villages reculés de l’île. Du bord de la route principale, démarre un sentier ombragé par une voûte végétale construite par un entrelacs indescriptible d’arbustes, d’arbres et de lianes. A son bout se dresse une maisonnette, aux allures de cabane rustique appartenant à Georges Lafable. Il se tient là d’ailleurs, devant ce qu’était la maison où il est né et où il a vu naître ses neuf enfants.

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unique survivance de la case en paille typique

« La case tonton », issu du surnom affectueux donné à cet homme de 80 ans qui travaille encore son « karo de terre» est la dernière survivance de la case créole typique des Hauts, en paille de vétyver et avec des pages de journaux et magazines collés auxGeorges Lafable dit toton murs intérieurs. Il n’en reste qu’une et elle se trouve à Hell-Boug. Son propriétaire n’y habite plus, mais la municipalité a décidé de faire le nécessaire pour que ce témoignage incroyable du siècle dernier résiste au temps et puisse être vu d’un maximum de visiteurs. Ressorti de la petite dépendance qui sert de cuisine qui abrite encore la meule servant à broyer le maïs, «Tonton » nous entraîne vers son jardin où se côtoient dans un fouillis qui régale, des plants de café, des avocatiers, des tomates arbustes, des grenadilles ou barbadines – fruits de la passion -, et des plantes aromatiques dont l’héliotrope au parfum délicat et le romarin, à boire en infusion salée, en cas de « gros saisissement», recommande « Tonton », tentant de cacher sa fierté d’être le créateur de cet Eden des Hauts sous un demi sourire. Une alternance entre une architecture faisant la part belle aux lambrequins comme un clin d’œil à son faste d’antan et un plongeon au cœur d’une Réunion plus prosaïque voilà de quoi est fait Hell-Bourg également Village créole depuis 2002, label qui valorise « un tourisme responsable, respectueux de l’homme et de l’environnement.

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Guid’ a nous » pour découvrir autrement

Il s’agit du réceptif de Dominique, un des pionniers de la corporation des guides péi et reconnaissable à son chapeau en paille éternellement vissé sur la tête. « Guide péi » depuis 20 ans et guide conférencier depuis 2012, il propose une série de circuits nature bien sûr, mais aussi en ville. Parmi eux, outre la « Balade à Dodo » effectuée sur le site de Salazie avec un départ depuis Hell-Bourg et qui intègre un déjeuner champêtre avec cuisine au feu de bois, « Guid a nous» a créé une formule qui suscite un engouement sans égal  avec son circuit religieux. Il couvre en une matinée la visite de la Cathédrale Saint-Sauveur de la rue de La Victoire, la mosquée Noor al Islam, la première mosquée à avoir été construite en France, et les deux temples chinois « Traversée heureuse « et Prospérité éternelle », ainsi que le temple hindou « Kalikambal », – seulement  à l’extérieur -, tous situés à Saint-Denis. Un beau symbole de ce qu’est l’unité réunionnaise.

Concert de Barbara Hendricks dans le cadre du festival de musique classique « festival Lang Tang » au Teat Plein air de Saint-Gilles les Bains

Un très agréable moment passé à ce beau concert de Barbara Hendricks, accompagnée barbara Hendricks.jpgpar Mathias Algotsson au piano & orgue B3, Max Schultz : à la guitare, Ulf Englund à la guitare et régisseur lumière et Fredrik Ekström: régisseur de son. Je remercie Angela et Laurent pour ce choix pertinent qui m’a bien comblé.

Barbara Hendricks se produisait dans le cadre du festival de musique classique « festival Lang Tang » au Teat Plein air de Saint-Gilles les Bains. La chanteuse soprano aux harmonies classiques, oscillant entre le blues, la soul et le jazz. Elle mélangeait cette foisTéat plein air.jpg les codes de ses origines. Son art prend racine dans les chants religieux, initiés par son père pasteur d’une église de l’Arkansas. Au Teat Plein air, hier soir, elle était dans sa conversion de 2015, telle qu’elle exprimait ce virage dans son album « Blues Everywhere I go » consolidée par  la musique noire américaine, celle la même  qui prend racine durant l’esclavage. Ainsi ses chansons étaient aussi rythmées par ces belles phrases de Martin Luther King et de ce fameux poème« Maison ». « Home ». de Warsan Shire  cette poétesse somalienne anglophone qui avait fui son pays, en pleine guerre civile. Elle en parlait avant les médias et les gouvernants aient mis un nom sur la « crise des migrants ».  (CF ci -dessous des extraits du poème traduit par Paul Tanguy).

Elle même victime dans les années 50 de la ségrégation raciale aux Etats-Unis, n’a toute sa vie, cessé de faire de la musique un instrument de réconciliation entre les hommes. martin luther kunghElle disait hier soir encore que « la haine éloigne et l’amour rassemble et construit ». Tout un programme qu’elle porte avec force et joie en créant l’émotion et de faire ressentir à nous tous ce qu’elle ressent elle-même, par ses mouvements permanents en deux pas de danse, pour nous inviter au bonheur.

Dès sa notoriété conquise dans les plus grands opéras du monde, Barbara Hendricks l’utilise au profit des réfugiés. Et c’est comme ambassadrice de bonne volonté au Haut-commissariat des réfugiés qu’elle sillonne le monde, et tente d’éclairer de sa voix la vie des gens qu’elle rencontre.

Très soucieuse de protéger sa vie personnelle, et de vivre simplement, elle a grandi  sous la protection de Jeannie Tourel, une cantatrice reconnue et qui a cru  au talent de la jeune Barbara. C’est elle qui l’a introduit auprès des plus grands chefs : Karajan, Abbado, Barenboïm, Lorin Maazel… Plus de 14 millions d’albums vendus dans le monde, des milliers de concerts, opéras et récitals avec les

Duke Ellington.jpgplus grands chefs, Barbara Hendricks aura, depuis plus de 40 ans, interprété aussi bien Mozart, Schubert et Mahler que Poulenc, Gershwin ou Duke Ellington.

Elle a déclaré être prête à découvrir le MALOYA, la musique des esclaves : « parce que c’est ma musique aussi, que je chantais à mes débuts. »

Réagissant à une question d’un journaliste sur le fait qu’elle va chanter dans un lieu peu connu « au Teat Plein air de Saint-Gilles », elle répondit  « Je ne choisis pas les cadres des concerts. Certaines fois, ils sont magiques comme au Festival d’Orange dans le théâtre romain. Mais ce qu’il y a de plus important que les lieux, c’est le public. Je viens chanter un concert pour rencontrer un public qui a envie d’entendre la musique. J’avais envie de revenir à La Réunion. J’ai chanté ici avec un orchestre qui venait d’Ukraine. C’était une super rencontre. Quand mon agent m’a proposé de revenir, j’ai immédiatement dit oui. »

Elle raconta aussi sa découverte du blues, du ‘musicien et de l’être humain fantastique qu’est Duke Ellington. Le blues, musique que son père qualifiait de musique du diable.

Ainsi pendant plus de quatre vingt dix minutes,  elle nous a enchanté par ce blues Militante en nous montrant le chemin de la liberté avec ces citations de Martin Luther King et de poème de Warsan Shire  en français. Nous sommes dans un monde où l’on a plus que jamais besoin d’entendre des paroles de PAIX, d’AMOUR et de JUSTICE.

Bravo pour Le Festival Lang Tang en plus d’être intense La Réunion a été magique hier soir avec Barbara.

MAISON (HOME) de Warsan Shire

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Personne ne quitte sa maison à moins

Que sa maison ne soit devenue la gueule d’un requin

Tu ne cours vers la frontière

Que lorsque toute la ville court également

Avec tes voisins qui courent plus vite que toi

Le garçon avec qui tu es allée à l’école

Qui t’a embrassée, éblouie, une fois derrière la vieille usine

Porte une arme plus grande que son corps

Tu pars de chez toi

Quand ta maison ne te permet plus de rester.

Tu ne quittes pas ta maison si ta maison ne te chasse pas

Du feu sous tes pieds

Du sang chaud dans ton ventre

C’est quelque chose que tu n’aurais jamais pensé faire

Jusqu’à ce que la lame ne soit

Sur ton cou

Et même alors tu portes encore l’hymne national

Dans ta voix

Quand tu déchires ton passeport dans les toilettes d’un aéroport

En sanglotant à chaque bouchée de papier

Pour bien comprendre que tu ne reviendras jamais en arrière

Il faut que tu comprennes

Que personne ne pousse ses enfants sur un bateau

A moins que l’eau ne soit plus sûre que la terre-ferme

Personne ne se brûle le bout des doigts

Sous des trains

Entre des wagons

Personne ne passe des jours et des nuits dans l’estomac d’un camion

En se nourrissant de papier-journal à moins que les kilomètres parcourus

Soient plus qu’un voyage

Personne ne rampe sous un grillage

Personne ne veut être battu

Pris en pitié

Personne ne choisit les camps de réfugiés

Ou la prison

Parce que la prison est plus sûre

Qu’une ville en feu

Et qu’un maton

Dans la nuit

Vaut mieux que toute une cargaison

D’hommes qui ressemblent à ton père

Personne ne vivrait ça

Personne ne le supporterait

Personne n’a la peau assez tannée

Rentrez chez vous

Les noirs

Les réfugiés

Les sales immigrés

Les demandeurs d’asile

Qui sucent le sang de notre pays

Ils sentent bizarre

Sauvages

Ils ont fait n’importe quoi chez eux et maintenant

Ils veulent faire pareil ici

Comment les mots

Les sales regards

Peuvent te glisser sur le dos

Peut-être parce leur souffle est plus doux

Qu’un membre arraché

Ou parce que ces mots sont plus tendres

Que quatorze hommes entre

Tes jambes

Ou ces insultes sont plus faciles

A digérer

Qu’un os

Que ton corps d’enfant

En miettes

Je veux rentrer chez moi

Mais ma maison est comme la gueule d’un requin

Ma maison, c’est le baril d’un pistolet

Et personne ne quitte sa maison

A moins que ta maison ne te chasse vers le rivage

A moins que ta maison ne dise

A tes jambes de courir plus vite

De laisser tes habits derrière toi

De ramper à travers le désert

De traverser les océans

Noyé

Sauvé

Avoir faim

Mendier

Oublier sa fierté

Ta survie est plus importante

Personne ne quitte sa maison jusqu’à ce que ta maison soit cette petite voix dans ton oreille

Qui te dit

Pars

Pars d’ici tout de suite

Je ne sais pas ce que je suis devenue

Mais je sais que n’importe où

Ce sera plus sûr qu’ici