Institut Montaigne -L’Europe dont nous avons besoin – L’Europe de demain pour nous est une nécessité, espérons qu’elle progresse encore en 2018. En qualité de citoyen du monde, d’européen convaincu, de français et de natif de cette île lointaine que j’aime aussi, je crois dans cette Europe qui est portée par notre Président. Bonne année l’Europe.

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L’instabilité du monde actuel – sur le plan géopolitique comme économique – rend nécessaire l’union des Etats européens en faveur d’une Europe qui progresse et protège les citoyens.

Aucune des nations du continent européen ne pourra répondre seule aux défis du XXIème siècle, ni imposer seule sa voix sur la scène mondiale. L’Europe est essentielle. Comment en faire l’atout le plus puissant possible au service de chacun des peuples européens ?

Pourquoi le moment est opportun ?

Les Européens ont collectivement réussi à faire face à la crise financière des dernières années. Cet épisode majeur a néanmoins laissé des traces profondes. Dans ce contexte de rétablissement progressif, la construction européenne semble à présent particulièrement menacée par une double contestation. Externe, avec l’élection d’un président des Etats-Unis pourfendeur du projet européen et avec la politique expansionniste menée par Moscou. Interne, avec la progression continue de l’euroscepticisme, les divisions sur les questions migratoires et le départ programmé du Royaume-Uni.

En 2017, la concomitance de l’élection présidentielle en France et des élections fédérales en Allemagne ouvre une fenêtre de tir dont l’Europe doit se saisir, afin d’être une réponse ambitieuse aux attentes des peuples européens.

 « La négociation du Brexit va beaucoup occuper les dirigeants et les administrations et nécessitera des arbitrages au plus haut niveau au cours des deux prochaines années. Les dirigeants de l’UE ne doivent pourtant pas se laisser enfermer dans cette négociation. Le Brexit ne doit pas devenir le seul sujet de discussions des dirigeants nationaux. Il doit être traité avec le plus grand sérieux, mais les efforts politiques doivent avant tout être concentrés sur la relance de l’UE et de la zone euro », déclare Ramon Fernandez, directeur général délégué, en charge des finances et de la stratégie du groupe Orange, ancien directeur général du Trésor et président de notre groupe de travail.

Quelle nouvelle dynamique proposons-nous ?

Les dirigeants européens doivent appréhender avec lucidité la situation. Leur défi est d’engager une nouvelle dynamique politique, fondée sur une logique de pragmatisme et d’efficacité, et non sur d’improductifs débats institutionnels. Les acquis indéniables de la construction européenne nous incitent à privilégier les avancées progressives, plutôt que les illusions d’un grand soir ou d’une grande refondation.

« Notre conviction est que le renforcement de l’Union économique et monétaire doit être la première priorité. Dix-neuf États ont aujourd’hui choisi de partager une monnaie qui est une réussite. Mais les implications de ce choix n’ont pas été suffisamment prises en compte. Il n’est pas possible de partager la même monnaie sans une meilleure coordination des politiques économiques et budgétaires. Ces politiques forment un tout et doivent être articulées avec la politique monétaire. Ce n’est qu’une fois ce cœur consolidé que l’Europe pourra pleinement remplir sa promesse de prospérité.  » Ramon Fernandez.

L’Europe : entre incertitudes et opportunités

2016, l’année de tous les dangers pour le projet européen

L’Europe est née :

  • de la volonté partagée de quelques hommes d’Etat visionnaires de rompre avec des siècles de conflit ;
  • de la prise de conscience aussi que, dans le nouveau monde qui se dessinait dans les années 1950 et face à l’émergence d’un nouvel ordre mondial, ce qui rassemblait les Européens dominait largement leurs différences ou leurs divergences d’intérêts.

Dans ce contexte, les pères fondateurs ont choisi de construire, de manière pragmatique dans ses modalités mais ambitieuse dans son objectif, une communauté unique dans son organisation afin de mettre en commun certains aspects de leur souveraineté et de l’exercer ensemble pour le bénéfice de tous ses membres. Ce projet a connu, en plus de soixante ans, des succès incontestables et quelques lourds échecs.

Le Brexit en est l’exemple le plus récent et certainement le plus criant. Il est le reflet d’une contestation interne et ouvre la perspective, jusqu’à présent inédite, d’une « déconstruction européenne » qui verrait d’autres Etats membres renoncer à leur appartenance à l’UE. C’est un bouleversement majeur, alors même que l’UE n’avait jusqu’à aujourd’hui fait que s’élargir et ce même pendant la crise de 2009 à 2011.

Cette remise en cause interne se double d’une remise en question externe du projet européen de la part du nouveau président des Etats-Unis, qui ne se contente pas de se désintéresser de l’Europe, mais qui, pour la première fois, fait le pari de la dissolution de l’UE. Donald Trump déclarait ainsi dans une interview au journal Bild du 16 janvier 2017 : « Je crois que d’autres pays vont quitter (l’UE). […] Je pense que maintenir (l’UE) unie ne va pas être aussi facile que beaucoup de gens le pensent. »

De même, la politique expansionniste de la Russie de Vladimir Poutine constitue une menace, non seulement pour les pays baltes et d’Europe orientale, mais pour le projet européen dans son ensemble.

2017, une fenêtre de tir à ne pas manquer

La concomitance de l’élection présidentielle en France les 23 avril et 7 mai prochains et des élections fédérales en Allemagne le 24 septembre rend possible une relance du projet européen du fait du capital politique dont devraient disposer les prochains chefs d’Etat ou de gouvernement.

Malgré l’élargissement à 28 Etats membres intervenu depuis les années 2000, le couple franco-allemand demeure le véritable moteur de la construction européenne.

S’ils devaient être des partisans de l’Europe, les prochains chefs d’Etat et de gouvernement de ces deux pays devront renouer avec la vision des fondateurs et apporter des réponses pragmatiques et ambitieuses aux attentes des peuples.

Les acquis de la construction européenne

Le 25 mars 1957, l’Allemagne, la Belgique, la France, l’Italie, le Luxembourg et les Pays-Bas signaient le traité de Rome et engageaient le continent sur la voie de la réconciliation et de l’intégration économique et politique. Soixante ans plus tard, et désormais forte de vingt-huit Etats membres, l’Union européenne (UE) peut revendiquer deux grandes réussites.

La paix entre les Etats membres est assurée depuis plus soixante ans, et l’UE en est l’une des principales garanties.

L’UE représente le plus grand marché du monde, avec 16,8 % du PIB mondial et 510 millions de consommateurs.

L’UE est riche d’un acquis construit depuis cinquante ans, notamment d’un espace commun :

  • économique, qui garantit  la libre circulation des marchandises, des capitaux, des services et des travailleurs.
  • physique, avec l’espace Schengen et la création d’une citoyenneté européenne.

Grâce aux valeurs qu’elle défend et à sa prospérité économique, l’UE a disposé et dispose toujours d’un réel pouvoir d’attraction qui explique les élargissements successifs, et les demandes d’adhésion d’Etats tiers en cours.
La création d’une monnaie unique, devenue une référence mondiale, constitue également une force pour les Etats européens. Ainsi, en 2015, étaient libellées en euro :

  • plus de 20 % des réserves de change mondiales ;
  • 33 % des transactions quotidiennes effectuées au niveau mondial ;
  • 40 % des dettes globales à égalité avec le dollar ;
  • plus de 50 % des importations de la zone euro ;
  • plus de 65 % de ses exportations.

Trois priorités pour relancer l’Europe

1 – Renforcer la zone euro

Le partage d’une monnaie unique constitue le point d’aboutissement de la logique d’intégration économique et politique du continent.

L’Union économique et monétaire (UEM) a atteint ses premiers objectifs. L’introduction de l’euro a notamment contribué à :

Depuis sa création, la monnaie unique aurait augmenté de 2 points le PIB de la zone euro. Ceci provient essentiellement de facteurs monétaires (stabilité et homogénéité des évolutions de prix et de taux de change) et financiers (intégration et profondeur des marchés de capitaux) qui ont facilité les investissements transfrontières et le financement de l’économie, et ainsi accéléré la formation du stock de capital.

L’euro est aussi devenu la seconde devise internationale de référence, derrière le dollar, ce qui a réduit les coûts de transaction monétaire et facilité le financement des entreprises et des secteurs publics, tout en nous mettant en capacité de peser dans les discussions monétaires internationales.

Ainsi, nous sommes convaincus que se priver de cet atout serait absurde. Au contraire, nous proposons que la zone euro assume son rôle de cœur névralgique de la construction européenne et prenne ses responsabilités en se dotant d’une gouvernance et d’outils capables de renforcer son architecture et ses économies. A ce titre, le rétablissement de la confiance entre les gouvernements des dix neufs Etats ayant adopté l’euro, et en particulier entre la France et l’Allemagne, est la condition sine qua non à toute consolidation de la zone euro.

Pourquoi ne faut-il pas quitter l’euro ?

Le débat est complexe à résumer, mais il est important de casser les idées trop communément développées ici et là.

Avant tout, quitter l’euro, n’épargnerait à aucun des Etats membres de répondre aux défis économiques qui se dessinent et mener les réformes parfois difficiles qu’ils imposent. Le vieillissement de la population et son impact sur les comptes publics, la concurrence des pays émergents, le repositionnement sur l’économie de la connaissance et la transformation numérique, les défis énergétiques, etc. Ces questions se posent dans les mêmes termes pour les États européens qui participent à la monnaie unique et pour ceux qui ont conservé leur monnaie nationale.

Sortir de l’euro aurait de plus des conséquences économiques et financières considérables. S’agissant de la France, le retour au franc entrainerait une dépréciation de la monnaie compte tenu du déficit commercial accumulé. Elle serait probablement de l’ordre de 15 % – hors scénario « catastrophe » de crise de financement et de fuite massive des capitaux  –, soit une facture supplémentaire de 50 milliards euros par an pour les ménages et les entreprises françaises. Compte tenu du poids des importations qui sont peu sensibles au prix dans le commerce extérieur français (en particulier la facture énergétique et les matières premières), cela se traduirait par une forte inflation qui pénaliserait rapidement le pouvoir d’achat des Français et les marges des entreprises. Le risque serait alors le déclenchement d’une spirale inflation-salaires, qui pèserait durablement sur l’investissement, la croissance et l’emploi. La dépréciation de la monnaie ainsi que les incertitudes engendrées par le retour à une monnaie nationale déclencheraient aussi une sortie des capitaux, avec une hausse des taux d’intérêt pénalisant aussi l’investissement et renchérissant la dette publique (probablement de l’ordre de 30 milliards d’euros par an pour le seul État français). Au total, l’Institut Montaigne estime que la destruction de valeur pour la France se situerait autour de 9 points de PIB à terme. Un scénario de crise de change ou de liquidité n’est pas exclu, dont les conséquences seraient encore plus lourdes

Enfin, d’un point de vue politique, la sortie de la zone euro de la deuxième économie européenne sonnerait sans doute le glas de l’UEM et même de la construction européenne.

Pour renforcer la zone euro, nous proposons notamment que les Etats membres :

s’engagent, au niveau des chefs d’Etat et de gouvernement à définir chaque année une politique économique et budgétaire coopérative et globale pour la zone euro ;

intègrent mieux dans leur droit national les règles budgétaires de la zone euro ;

transforment à terme le Mécanisme européen de stabilité en un Fonds monétaire européen et la mise en place d’un budget de la zone euro, de même que l’instauration progressive d’un gouvernement économique, permettront d’assurer la cohérence des politiques macroéconomiques et la convergence des économies.

2 – Mettre la prospérité au cœur du projet européen.

Le décrochage économique de l’UE est une réalité à laquelle il convient de répondre sans délai.

La faiblesse de l’Europe dans le digital est manifeste : elle ne compte aucune des dix plus grandes entreprises mondiales dans le secteur, six étant américaines et quatre chinoises.

L’Europe doit avoir pour rôle d’amplifier les bénéfices des politiques économiques menées par chaque Etat membre. Si cette contribution de l’échelon européen peut être majeure, il ne faut toutefois pas perdre de vue que la responsabilité des gouvernements nationaux est première en matière de résultats économiques.

Parmi nos propositions

Mettre en œuvre un principe de réciprocité dans les accords de libre-échange et doter l’UE d’instruments de défense commerciale face aux comportements non coopératifs.

Tirer les conséquences de la consolidation du marché unique en matière de politique de la concurrence et permettre l’émergence de grands groupes européens.

Favoriser le développement du secteur du numérique, y compris via une régulation effective du marché unique numérique et notamment des activités des GAFA.

3 – Assurer la protection des citoyens et donner corps à une politique étrangère ambitieuse

La sécurité intérieure et extérieure de l’UE constitue une des principales attentes des citoyens européens, qui sont 32 % à considérer le terrorisme fait partie des deux problèmes les plus importants auxquels l’UE doit faire face.

En complément de l’Union économique et monétaire, il convient de lancer une Union pour la sécurité dont les objectifs seraient les suivants :

la prévention et la lutte contre le terrorisme ;

la prévention et la lutte contre la grande criminalité et contre la criminalité organisée (traite des êtres humains, trafic de drogues, trafic d’armes, blanchiment d’argent, etc.) ;

la prévention et la lutte contre la cybercriminalité ;

le renforcement du contrôle des frontières extérieures.

De réelles avancées ont vu le jour ces dernières années, telles que la nomination d’un coordinateur européen pour la lutte contre le terrorisme ou l’institution d’un Comité permanent de coopération opérationnelle en matière de sécurité intérieure.

En matière de défense, le départ du Royaume-Uni rend possible des progrès concret du fait de refus constant de Londres d’avancer vers plus d’intégration européenne dans ces domaines. Néanmoins, l’UE doit veiller à conserver un partenariat fort avec son allié britannique, figure majeure de la défense de la région.

Après les déclarations de Donald Trump remettant en question la pertinence de l’OTAN et l’engagement des Etats-Unis au sein de l’Alliance atlantique, les Européens se doivent d’inventer leur sécurité hors de la dépendance à l’égard du parapluie militaire américain.

Aussi, il convient de parvenir rapidement à un effort de défense correspondant à 2 % du PIB dans chaque Etat membre et d’établir un quartier général européen permanent pour la planification et la conduite des opérations militaires de l’UE.

Rappelons que les dépenses militaires européennes sont sensiblement plus faibles que celles des principales puissances de la planète :

Parmi nos propositions

 

  • Renforcer la construction européenne en fondant une Union pour la sécurité.
  • Parvenir rapidement à un effort de défense correspondant à 2 % du PIB dans chaque Etat membre et établir un quartier général européen permanent pour la planification et la conduite des opérations militaires de l’UE.
  • Trouver un équilibre entre solidarité et responsabilité dans le traitement des demandes d’asile afin de mieux répartir la charge entre les Etats membres afin de mieux répartir l’effort entre les Etats membres.

 

Retro News – NOUVEL AN 1939, QUAND ARAGON SOUHAITAIT « LA PAIX AU MONDE » par : Marina Bellot

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Illustration : Ce Soir du 31 décembre 1938 – Source : RetroNews BnF

ALORS QUE LA MENACE DE LA GUERRE EST DANS TOUS LES ESPRITS, L’ÉCRIVAIN COMMUNISTE LOUIS ARAGON REVIENT SUR L’ANNÉE ÉCOULÉE ET APPELLE À UNE PAIX ENGAGÉE ET COMBATIVE.

Fin de l’année 1938. Alors que les Français s’apprêtent à fêter le nouvel an, la question qui taraude les esprits est celle de la guerre qui couve.

Plus que jamais, l’Europe est en proie aux violences. En Espagne, où la guerre civile fait rage depuis 1936, les nationalistes gagnent du terrain face aux républicains. Le 31 décembre, un raid d’avions italiens a fait parmi les civils à Barcelone 40 morts et 110 blessés – « Un épouvantable massacre de femmes et d’enfants », titre le quotidien communiste fondé en 1937 par Louis Aragon, Ce Soir.

En Allemagne, cinq ans après son arrivée au pouvoir, Adolf Hitler intensifie sa politique de persécution envers les juifs et poursuit ses objectifs pangermanistes. Le 13 mars 1938, le Führer a annexé l’Autriche puis poursuivi sur sa lancée dans la région des Sudètes.

Dans Ce Soir, Louis Aragon adresse ses vœux à la France et au monde dans un texte engagé et combatif.

L’écrivain dénonce en particulier ce qui constitue à ses yeux la pire ignominie de l’année 1938 : les accords de Munich, par lesquels l’Allemagne, la France, et l’Italie ont livré aux nazis la Tchécoslovaquie.

Face à cette trahison, l’écrivain en appelle à une réaction populaire :

« Français, innocents, trompés, trahis, impuissants et honteux.

Et je le dis avec toute la force des millions d’hommes qui pensent comme moi parce qu’ils sont les fils du pays de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen, parce qu’ils sont les fils du pays qui fit Chartres et vainquit à Valmy, je le dis solennellement : il n’y aura pas de paix digne de ce nom qui laisse subsister au cœur sanglant de l’Europe ce déni de justice et cette indignité.

Je souhaite la Paix qui anéantisse jusque dans ses fondements le souvenir même de Munich. »

Aragon fustige ceux qui font le jeu du fascisme, en appelle aux principes de la Révolution française et se prononce envers et contre tout pour la défense des idéaux français :

« M. Léon Daudet souhaite de voir dans cette année l’effondrement de la démocratie française, des principes de 89 et de tout le bataclan.
Il parle en ceci le langage exact de MM. Hitler et Mussolini.

Je souhaite, pour mon compte, que 1939 déclare la paix au monde, pour reprendre l’expression de Victor Hugo. La Paix n’est pas la guerre civile que nos hypocrites sont prêts à faire aux Français avec le concours de M. Daudet. 

La Paix n’est pas la mutilation de la France.

La Paix n’est pas l’asservissement des Français aux marchands de guerre et aux idéologies racistes. 

La Paix, je la souhaite au monde entier. […]

Et si rétablir la Paix, de même qu’aux jours de Napoléon, la Liberté dans le monde, exige de résister les armes à la main à ceux qui les armes à la main exigent qu’on agenouille, et courbe plus encore la France humiliée, à qui donc parmi nous cela ferait-il peur ?

Je ne souhaite pas la guerre. Je souhaite la Paix. Mais je dis aux seigneurs de la guerre, qu’ils portent la hache du licteur ou celle du bourreau, qu’ils s’habillent de noir ou de brun, que les Français regardent avec tranquillité 1939 et que, malgré les braillards s’il le faut, ils sauront défendre leur patrie, ils ne reculeront pas devant l’ouvrage. »

Et c’est à un autre ardent défenseur de la paix, « en qui s’incarne la plus haute et la plus pure pensée française », qu’Aragon donne la parole pour conclure l’année 1938 : l’écrivain Romain Rolland, prix Nobel de littérature 1915.

« 1938 est pour la France une année de deuil. Elle a trahi ses amitiés internationales, livré la Tchécoslovaquie, abandonné l’Espagne. Un sentiment de honte et de remords pèse sur notre démocratie. […]
Songeons aux veuves et aux enfants
 !
Secourons les pauvres, les blessés et les prisonniers
 !
Nous savons tous que, sur la terre d’Espagne, c’est la France qu’ils ont défendue. Attestons-le
 ! »

Pendant la Seconde Guerre mondiale, Louis Aragon s’engagera dans la Résistance en créant avec Elsa Triolet le Comité national des écrivains pour la zone sud et le journal La Drôme en armes. Il s’engage aussi par ses poèmes comme Les Yeux d’Elsa (1942) ou encore La Rose et le Réséda (1944).

En 1939, Romain Rolland présidera le Comité mondial contre la guerre et le fascisme et poursuivra son travail littéraire jusqu’à sa mort, en 1944.

Quand l’Europe joue un rôle décisif dans la politique nationale : grandes premières en France et en Allemagne – Par Olivier Duhamel*

Jusque très récemment, l’Europe ne comptait guère dans les campagnes électorales – ou alors comme repoussoir – et quasiment pas dans les moments cruciaux de la politique intérieure. 2017 marquera sur ce point un tournant considérable, des deux côtés du Rhin.

Tournant en France : pour la première fois depuis 1965, un candidat sérieux à l’élection présidentielle a brandi le drapeau européen. Et ce candidat l’a emporté. Pour la première fois, un leader de parti présent au second tour, en l’espèce Marine Le Pen, s’est déconsidéré notamment par l’incroyable confusion de son discours sur l’Europe. Le mal fait fut si grand que le parti vient de réviser sa ligne et renoncer à prôner la sortie de l’Union européenne en cas d’accession au pouvoir. Pour la première fois, un président fraîchement élu se distingue en prononçant deux grands discours sur l’Europe, l’un à Athènes et l’autre à la Sorbonne, et en recueille moult compliments, dans son pays et au-delà.

Tournant en Allemagne pour la première fois la formation d’une coalition gouvernementale s’avère très difficile aux lendemains d’élections mauvaises pour les deux principaux partis de gouvernement, la CDU, démocrate-chrétienne, et le SPD, social-démocrate. Et pour cette première fois, c’est peut-être l’ambition européenne qui va dénouer la crise. C’est en tout cas la pression européenne qui conduit le président social-démocrate à revenir sur son refus ferme de participer à une grande coalition. « J’ai reçu de nombreux appels inquiets de la part de nos amis européens », a ainsi expliqué Martin Schulz, ancien président du Parlement européen. Et c’est le projet européen qui est donné comme base d’une grande coalition gouvernementale par un important dirigeant de la CDU. Et la vision européenne d’un président français qui est invoquée à cette fin. Armin Laschet, président de la région Rhénanie du Nord-Westphalie a ainsi déclaré : « nous avons besoin de réponses européennes au Brexit à venir, aux propositions du président Macron… Le courage avec lequel Macron a formulé une vision pour l’Europe pourrait trouver en Allemagne une réponse grâce à une grande coalition. « 

Foin de l’Europe ignorée, l’Europe caricaturée, l’Europe attaquée, voici l’Europe invoquée, l’Europe intégrée, l’Europe espérée. 

*Olivier Duhamel

Président de la FNSP (SciencesPo) – contributeur sur les questions politiques et institutionnelles

Olivier Duhamel est président de la Fondation Nationale des Sciences Politiques à Sciences-Po et membre du Comité directeur de l’Institut Montaigne. Il a notamment écrit, avec l’Institut Montaigne, l’ouvrage « Les primaires pour les nuls« .
olivier-duhamel.jpgIl est professeur émérite de droit constitutionnel et de science politique, il étudie de longue date les institutions, la vie politique et leurs influences réciproques. Il est reconnu comme l’un des « pères » des primaires, étant l’auteur avec Olivier Ferrand du premier rapport du club Terra Nova sur ce sujet en 2008. Il codirige aux éditions du Seuil la revue Pouvoirs et la série annuelle de TNS-Sofres L’état de l’opinion ainsi que la collection « à savoir » chez Dalloz. Animateur de l’émission Mediapolis, il est éditorialiste à Europe 1, chroniqueur à LCI. Il est également co-auteur du livre  » Macron, et en même temps… »
Olivier Duhamel est diplômé de l’Université Paris-X.

 

 

 Retro News – La France face à la grippe espagnole en 1918-1919 – Par Julien Ebersold. Au moment où il nous est annoncé que L’épidémie de grippe s’étend sur l’ensemble de la France métropolitaine, hormis la Corse. Il est intéressant de visiter ce fait historique.

grippe espagnole

LA GRIPPE ESPAGNOLE CONSTITUE LA PREMIÈRE GRANDE PANDÉMIE DU XXE SIÈCLE. ELLE FIT PLUS DE 20 MILLIONS DE MORTS ET TOUCHA TOUTES LES RÉGIONS DU MONDE ENTRE MAI 1918 ET AVRIL 1919. LA CONCOMITANCE DE L’EXPLOSION PANDÉMIQUE AVEC LA PHASE TERMINALE DE LA PREMIÈRE GUERRE MONDIALE A ACCENTUÉ SA DIMENSION DRAMATIQUE ET TRAUMATIQUE.

LA LENTE PRISE EN COMPTE DE LA GRAVITÉ DE LA CRISE

La grippe espagnole apparaît pendant la fin de la Grande Guerre. Les conditions de vie à l’arrière et au front ont fragilisé les organismes et les ont rendus plus vulnérables. Cette épidémie reste longtemps ignorée sous les effets de la censure. Aucun journal français n’évoque cette maladie avant mai 1918. Quand les Français en prennent connaissance, ils la qualifient d’« espagnole » car c’est dans ce pays, neutre et non soumis à la censure, que les premiers cas sont recensés (L’Humanité, 1er juin 1914). Les premiers cas en France ont été observés dans les tranchées de Villers-sur-Coudun à la mi-avril 1918. Les médecins militaires expliquent la rapidité de la contagion dans les armées par la promiscuité des soldats.

Dès que la grippe devient un problème militaire, elle passe en une de la presse en juillet 1918, mais les cas de civils décédés se contentent d’un entrefilet (Le Matin, 31 août 1918). Le discours médical insiste sur la soudaineté et l’extrême contagiosité du virus mais se veut rassurant car elle est peu meurtrière (Le Gaulois, 10 juillet 1918). Ainsi Le Matin verse dans la propagande en voyant dans cette « maladie à la mode » un nouvel allié de la France car « en France, elle est bénigne ; nos troupes y résistent merveilleusement. Mais de l’autre côté du front, les Boches semblent très touchés par elle » (7 juillet 1918).

À partir d’août 1918, la grippe a perdu sa bénignité. Les médecins s’alarment devant la rapidité de la mort et les multiplications des complications pulmonaires, broncho-pulmonaires et des cas de pleurésies, aussi bien sur le front qu’à l’arrière (Le Matin, 9 octobre 1918). Alors que Le Matin annonce hâtivement que « l’épidémie sera bientôt enrayée » (22 septembre 1918), les populations font face à la seconde vague de l’explosion épidémique, phase la plus létale de septembre à décembre 1918. C’est aussi le moment où sa propagation devient mondiale.

DES MÉDECINS IMPUISSANTS FACE À LA PANDÉMIE

Cette pandémie reste un grand mystère sanitaire : on ne sait ni comment ni pourquoi elle a brusquement apparu et disparu. « D’où vient cette grippe que les uns nomment espagnole et les autres asiatique” ? » s’interroge un médecin dans Le Gaulois (24 octobre 1918). Pour certains chercheurs actuels, il s’agirait d’un agent pathogène provenant de Chine et importé par la main-d’œuvre indochinoise. Pour d’autres, elle est née dans le Middle West aux États-Unis et se serait propagée en France puis en Europe via le corps expéditionnaire. Il existe une troisième théorie : le virus serait en Europe.

La presse tente de faire le point sur la maladie en interviewant des spécialistes. Pour ces derniers, cette grippe ne se distingue pas des précédentes épidémies (Le Gaulois, 12 juillet 1918) : elle est confondue dans un premier temps avec l’épidémie d’influenza qui avait fait plus de 200 000 morts en 1889-1890 (L’Humanité, 9 août 1918). Puis on découvre qu’il s’agit d’un microbe pathogène inconnu (Le Matin, 19 septembre 1918) qui, à leur grand étonnement, frappe surtout les jeunes adultes robustes et en pleine santé (Le Matin, 26 octobre 1918).

Dans un contexte de réquisition des moyens médicaux, la pandémie a totalement désorganisé les services sanitaires qui sont incapables d’endiguer l’épidémie. On en reste à l’isolement des malades et à des règles d’hygiène (Le Journal, 19 octobre 1918 ; La Lanterne, 12 mars 1919) à défaut de moyen prophylactique adapté (L’Intransigeant, 12 octobre 1918). Face à ces incertitudes, on voit se multiplier dans la presse des publicités et des articles sur des remèdes miracles (Le Matin, 20 août 1918 ; Le Petit Journal, 7 novembre 1918). Mais un article du Petit Parisien, qui a pour titre « On peut lutter contre la grippe espagnole », fait véritablement scandale et les médecins s’insurgent qu’un tel article ait pu passer la censure (26 septembre 1918).

UNE PANDÉMIE TRÈS MEURTRIÈRE

Les dernières offensives françaises et la capitulation de l’Allemagne occultent les ravages de l’épidémie dans la presse. Le Journal se veut rassurant, « la grippe est en déroute ainsi que les Boches » après la signature de l’armistice (13 novembre 1918), alors que l’épidémie reste à son acmé. Les autorités ont cherché en fin de guerre à quantifier la mortalité due spécifiquement à la grippe espagnole. Les statistiques sur Paris sont reproduites dans la presse (La Lanterne, 1er novembre) : ainsi on attribue sur une semaine 1 778 morts à la grippe sur 2 566 entre le 20 et le 26 octobre à Paris, soit 254 décès par jour (Le Journal, 1er novembre 1918). On dénombre au total plus de 10 200 morts dans la capitale dus au virus et à ses complications (Le Matin, 9 mai 1920).

Après une troisième résurgence en février-mars 1919, Le Petit Journal évalue les conséquences démographiques de la grippe espagnole à environ 200 000 morts (11 octobre 1919) en France. En fait, le bilan reste minoré car la vague de l’automne seule a fait plus de 240 000 morts. Parmi les victimes célèbres de la grippe espagnole, on compte Guillaume Apollinaire, mort deux jours avant l’armistice à l’âge de 38 ans (Le Petit Parisien, 11 novembre 1918), et Edmond Rostand, le 2 décembre 1918 (L’Écho de Paris, 3 décembre 1918).

Cette pandémie de grippe espagnole a tué plus de 20 millions d’individus sur toute la planète dont 6 millions en Inde, chiffre Le Temps(12 novembre 1919), soit bien plus que « la saignée humaine représentée par la guerre » (La Croix, 26 mars 1919). Certains historiens l’estiment à 30 voire 50 millions de morts, dont la plupart sont dus à des complications et à des surinfections. Le rôle des mobilités des Européens dans le monde et notamment dans les colonies (effort de guerre, prisonniers de guerre rapatriés, transports de troupes démobilisées…) est crucial dans la mondialisation de la grippe.

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LES ÉNIGMATIQUES PYRAMIDES DE PLAINE MAGNIEN

pyramides plaine magnien

Ruines antiques, temples Mayas, constructions extraterrestres ou simple excentricité de propriétaires sucriers? Depuis des décennies, les pyramides de Plaine Magnien fascinent et suscitent des théories plus farfelues les unes que les autres…

Il est commun de voir de gros monticules de roches volcaniques dans les champs de canne de l’île Maurice. A l’époque coloniale, les ouvriers dans les champs de canne avaient pour tâche de déterrer et d’entasser d’énormes rochers pour la culture de la canne à sucre. A Maurice, nous les appelons des “meules”. La majorité de ces tas de roches n’ont aucune forme particulière, mais il en existe quelques-unes qui sont étrangement différentes…

A Plaine Magnien, non loin de l’aéroport, sept de ces “meules” ont été empilées de manière très soignées. A les voir de loin, on pourrait croire qu’il s’agit de pyramides Maya toutes droit sorties de la jungle amazonienne. Construites par empilement de plusieurs terrasses, elles sont constituées de pierres grossièrement taillées formant quatre angles à la base, et mesurent une douzaine de mètres de haut.

La forme étrange et particulière de ces pyramides a suscité de nombreuses interrogations, à Maurice et ailleurs. Il suffit de faire un tour sur Google pour tomber sur des théories les plus folles sur leur origine. Certains soutiennent qu’il s’agit bien de constructions Maya, d’autres suggèrent qu’elles seraient l’œuvre d’extraterrestres, de forces astrales, ou encore qu’elles serviraient de vaisseaux spatiaux à des habitants d’un autre monde…

Allant encore plus loin, quelques mordus de la théorie du complot affirment qu’elles seraient l’œuvre d’un pouvoir démoniaque et manipulateur, qu’elles renfermeraient un système capable de manipuler les populations, qu’il s’agit de temples Illuminatis… Pour ajouter encore une couche au mystère, quelques passionnés ont fait le lien entre les pyramides de Plaine Magnien et celles de Ténériffe, dans les îles Canaries. Elles présentent une architecture similaire, la même disposition et d’étranges alignements.

C’est au chercheur et égyptologue français Antoine Gigal que l’on doit cette théorie, émise en 2009. Selon lui, les pyramides mauriciennes sont les copies parfaites des pyramides retrouvées à Ténériffe, mais aussi en Sicile et ailleurs en Méditerranée. Pour Gigal, il s’agit de vestiges d’une ancienne civilisation de marins qui a laissé une trace de son passage autour du continent africain.

D’autres ont par la suite repris les observations de Gigal, comme Stéphane Mussard ou encore le Dr. Sem Sam Osmanagich, qui a visité l’île pas plus tard que l’année dernière. Si beaucoup accordent du crédit aux théories émises par ces messieurs, les historiens locaux balaient d’un revers de main de telles assomptions.

D’après eux, les pyramides ne sont guère plus que des monticules de roches entassées là pour nettoyer les champs. Elles auraient été réalisées en 1944, lorsque la compagnie sucrière de Mon Trésor – Mon Désert acheta le terrain pour y cultiver la canne. Il s’agit donc pour eux d’une simple excentricité, ou d’une volonté de rendre les champs plus ordonnés.

Quoiqu’il en soit, les pyramides de Plaine Magnien continueront encore longtemps de susciter des interrogations.

SAVEURS CRÉOLES: LES POMMES D’AMOUR

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De forme ovale, elle a un goût très particulier, ce qui en fait l’ingrédient principal de nombreuses sauces mauriciennes. Sans pomme d’amour, pas de rougaille. Oh, bien sûr, il est possible de préparer cette succulente sauce mauricienne avec des tomates achetées en supermarché, mais “ce n’est pas la même chose”, diront les aficionados de la cuisine authentique.

Si, de nos jours, le terme “pomme d’amour” désigne expressément une variété de tomate cultivée localement, il n’en fut pas toujours ainsi. La tomate, découverte par les Européens au Mexique en 1544, a été introduite à Maurice durant la colonisation française, en 1744, par décret du gouverneur Mahé de Labourdonnais. Il choisit une variété brésilienne, et rapidement, les plants s’adaptent au climat chaud et humide de l’ile. Ce sont sans doute ces premières variétés qui, croisées avec d’autres espèces importées, a donné naissance à la première variété de pomme d’amour “locale”. De forme oblongue, cette variété se pare d’un rouge éclatant lorsque les fruits sont mûrs. Elle a un goût acidulé tout en étant délicieusement parfumée. Les pommes d’amour mauriciennes poussent particulièrement bien dans les régions côtières, dans un sol légèrement sablonneux et un environnement ensoleillé.

Dès le 19e siècle, la pomme d’amour règne sans partage sur la cuisine locale. Elle est l’aliment indispensable de plats typiques tels que le rougaille, mais entre aussi dans la pomme damour2composition de certains currys et d’autres recettes. Il existe une seconde variété de “pomme d’amour” à Maurice. Il s’agit de toutes petites tomates, ne dépassant guère un centimètre de diamètre, qui poussent en petites grappes sur des plants de la taille d’un buisson. On en trouve encore aujourd’hui en bordure des routes, dans les forêts ou dans les “fataks”, ces terrains en friche où poussent les “mauvaises herbes”. Comme les tomates cerises, elles sont particulièrement riches en goût et très sucrées. Minuscules, ces petites pommes d’amour sauvages sont remarquablement résistantes aux maladies et aux petites bêtes qui ruinent habituellement les potagers à Maurice. Malheureusement, leur petitesse fait qu’il est difficile de s’en nourrir, et ce malgré leur délicieux goût sucré. Cette variété n’est d’ailleurs que très peu cultivée dans certains potagers privés, ou par quelques collectionneurs d’espèces de tomates, et n’est pas commercialisée.

Il est à noter que l’appellation “pomme d’amour” largement utilisée à Maurice, est un ancien terme français pour désigner ce fruit venu d’Amérique du Sud. Ce n’est en effet qu’au début du 18e siècle que l’Académie française officialisa l’utilisation du mot “tomate”. L’appellation “pomme d’amour”, comme l’Italien “pomodoro”, existe d’ailleurs toujours dans certaines régions françaises. A Maurice, les grosses tomates vendues en supermarché sont appelées tomates, seules les variétés locales sont considérées comme des pommes d’amour.

Dans son livre “Mauritius, deux siècles de cuisine”, l’auteur Jean-Claude Hein fait remarquer que la variété originelle de pomme d’amour cultivée se fait de plus en plus rare. Il impute cette disparition progressive de cette ingrédient important de notre gastronomie à une décision du ministère de l’Agriculture, qui effectua des croisements avec une espèce thaïlandaise dans les années 80. Quoiqu’il en soit, la pomme d’amour reste l’un des fruits et légumes les plus demandés sur l’île. La production locale avoisine les 15 000 tonnes par an, et dépend grandement des aléas climatiques. Il arrive qu’après le passage de cyclones ou de mauvaises récoltes, le prix de cette denrée monte en flèche, même si la demande reste généralement forte.

La pomme d’amour est ainsi l’aliment mauricien dont le prix sur les étals est le plus fluctuant. Lorsque les prix sont au plus haut, de nombreux Mauriciens se résignent à utiliser des tomates en conserve pour la préparation de leurs rougailles. Tout en sachant, bien sûr, que rien ne vaut un rougaille préparé avec de bonnes pommes d’amour comme dans “létan lontan”.

PETITE HISTOIRE DE LARAK

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En créole mauricien, “larak” signifie alcool. L’origine de ce terme insolite remonte à plusieurs centaines d’années, durant la colonisation des Mascareignes.

Aret bour larak” (‘arrête de boire de l’alcool’), dit-on parfois à Maurice à l’intention des soulards qui hantent, la nuit, les varangues des boutiques chinoises et des tavernes. “Larak”, en créole mauricien, désigne n’importe quel alcool qu’utilisent les alcooliques locaux pour se saouler: du rhum, de la bière et du vin de mauvaise qualité, principalement.

Pourtant, au départ, le terme est très spécifique. Le mot créole “larak” trouve en effet ses origines dans la péninsule arabique, où l’arak est une boisson alcoolisée réalisée à partir de moût de raisin distillé. Il s’agit d’une eau-de-vie contenant entre 40 et 50 degrés d’alcool. Très populaire en Syrie, en Jordanie ou au Liban actuel, la boisson fut introduite aux environs du premier millénaire dans les nations avoisinantes, en Inde notamment, à travers les voyages des navigateurs arabes.

Les Européens qui naviguaient dans le bassin indianocéanique vers le 16e siècle ont découvert l’arak en commerçant avec les Arabes. Rapidement, cette boisson forte devint populaire parmi les marins, au même titre que le rhum. Beaucoup de marins de cette époque se saoulaient durant les longues traversées, espérant éviter ainsi la dysenterie. Cependant, l’arak était considéré comme un alcool de seconde zone par les officiers et la haute société coloniale, qui lui préféraient le whiskey, le vin ou les liqueurs.

Par extrapolation, les marins hollandais, portugais, britanniques ou français qui naviguaient dans l’océan Indien baptisèrent bientôt “l’arak” tout alcool blanc fort. Le mot dériva un peu plus par la suite pour désigner plus particulièrement l’alcool distillé par les colons eux-mêmes avec les moyens du bord dans les jeunes colonies. Ainsi, à Maurice, les premières bouteilles de larak produites sur le territoire par les Hollandais furent réalisées à partir de cœurs de lataniers bleus fermentés.

Comme le processus de distillation des premiers colons était des plus rudimentaires, l’arak qui était produit était de couleur opaque et sentait très fort, ce qui conforta les sociétés coloniales dans leur répugnance pour cette boisson, réservée aux marins et aux plus démunis… C’est de cette manière que l’arak devint l’alcool de prédilection des populations serviles dans les îles des Mascareignes.

Suite à la quasi éradication du latanier bleu par les Hollandais et à la prise de l’île par la France en 1712, la production d’alcool à Maurice bascula lentement vers le rhum de canne à sucre. Bien que l’alcool de palme fût toujours produit tout au long de l’ère coloniale, le mot “larak” en vint peu à peu à être utilisé en référence à d’autres boissons réservées aux plus modestes. Si, aujourd’hui, le rhum a gagné ses lettres de noblesse à Maurice et ailleurs, il fut longtemps relégué au titre de “boisson du petit peuple”.

On peut imaginer que larak est un des premiers mots en langue étrangère appris par les premiers esclaves, donc un des plus vieux mots créoles… Il est d’ailleurs aujourd’hui encore très utilisé à Maurice. De nos jours, on “bez larak” sous les boutiques, dans les restaurants, dans les hôtels, dans les tavernes, pendant les repas familiaux, sur la plage, sous la varangue…

Pensez-y lorsque vous allez “bour larak” durant le réveillon (avec modération)!

LES PLUS BELLES EXPRESSIONS CRÉOLES

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Le créole, qu’il soit mauricien, réunionnais ou antillais, regorge de trésors linguistiques et d’expressions poétiques, imagées ou désopilantes. Voici une petite collection d’expressions particulièrement savoureuses en créole mauricien et réunionnais.

Le créole est une langue fascinante. Pour être plus exact, les créoles sont des langues fascinantes, car il en existe autant de variantes que d’îles où ils sont parlés. Des expressions désopilantes, des proverbes pleins de sagesse, des mots à la fois poétiques et surprenants, ou encore des devinettes très imagées… Autant de raisons d’apprécier ces langues si particulières, résultats hétéroclites de métissages culturels et linguistiques qui évoluent sans cesse.

Vous trouverez ci-dessous quelques-unes des plus belles expressions en créole mauricien et réunionnais, ainsi que quelques mots et proverbes remarquables.

Kreol morisyen :

« Bater bis » – profiteur, pique assiette, parasite. Désigne à la base des personnes qui prennent le bus sans payer.

« Gran nwar » – vantard, fanfaron, personne présomptueuse.

« Bate rande napa fer dimal » – Ethique de réciprocité, équivalent de « ne faites pas aux autres ce que vous ne voudriez pas qu’on vous fasse ».

« Kouk kasiet » – jeu mauricien équivalent du colin-maillard français, qui peut également signifier « tourner autour du pot » (« to pe zwe kouk kasiete ar mwa »).

« Kas enn poz » – se relaxer, se détendre.

« Ti lipye lor gro lipye » – littéralement « petit pied sur gros pied ». Signifie « les doigts de pied en éventail ». La signification est la même que pour « kas enn poz », avec un peu plus d’emphase sur le degré de relaxation.

« Mare nwar » – Nuit noire. Peut également signifier qu’on est dans l’inconnu, dans le brouillard (« mo dan mare nwar »).

« Serye net » – super, top, « c’est de la balle ».

« Mo bann » – mes semblables.

« Mari » – très, beaucoup, super.

« Nissa » – se dit de quelque chose ou de quelqu’un de sympathique : « to mari nissa twa », « sa baz la mari nissa ». Utilisé seul, « nissa » a le même sens que « serye ». Peut également désigner les sensations procurées par de la drogue.  L’expression « pran nissa » veut dire se moquer gentiment de quelqu’un.

« Batiara » – imbécile, bouffon, clown.

« Rod lipou poul » – littéralement, « chercher des poux à une poule ». L’expression équivalente en français est « chercher la petite bête ».

« Gro poumon » ou « gro leker » – désigne une personne envieuse, qui n’accepte pas de voir les autres posséder quelque chose qu’elle n’a pas.

« Letan margoz » – période financière difficile, de vaches maigres. Le margoze est un légume très amer dont les pauvres se nourrissaient en temps de disette.

« Dal napa pou kwi » – on n’y arrivera pas. « Dal » est le mot d’origine hindi, signifiant différentes légumineuses entrant dans divers plats tant indiens que mauriciens. 

« Bezer pake » – vaurien, voleur, escroc, menteur. Egalement utilisé en créole réunionnais.

« Lev pake ale » – se casser, se tirer.

« Kass pake » – faire des merveilles.

« Tir so manze » – faire de la misère à quelqu’un.

« Dan dizef poul napa gagn ti kanar » – l’œuf de poule ne contient pas un petit canard. Se dit surtout d’un enfant qui ressemble beaucoup à ses parents. En français, on dira « la pomme n’est pas tombée loin de l’arbre ».

« Bav dan minn » – littéralement, « baver dans les nouilles ». L’expression signifie déranger, embêter quelqu’un. Les mines, frites ou bouillies, désignent un plat de nouilles d’origine chinoise très consommé à Maurice. Parallèlement, le verbe « miner » a le même sens, tandis que « minantt » désigne quelqu’un de fatigant.

« Larme » – ami très proche.

« Kamarad kamaron » – ami qu’on ne voit pas souvent, aussi discret qu’un camaron, une espèce d’écrevisse d’eau douce. Egalement utilisé en créole réunionnais.

« Fer lizaz » – aider financièrement.

« Zako lor ziromon » – personne utilisant un véhicule (moto, bicyclette) trop petit ou trop grand. Sens littéral : « un singe sur un potiron ».

« Bis pou pase » – la mort est proche.

« Ki rol ? » – quel est le progamme de la journée, de la soirée ? Peut aussi signifier « que fais-tu en ce moment ? »

« Trannsink » – le nombre 35 en créole désigne une fille, une femme.

« Dife dan kann » ou « dife dan karo » – gros problèmes. Equivalent de l’expression française « il y a le feu à la baraque ».

« Bez la rak » – se saouler. « La rak » ou « larak » est un alcool pas cher, généralement du rhum.

« Dan vye karay ki fer meyer kari » – c’est dans les veilles marmites qu’on fait les meilleures soupes.

Kreol réyoné :

« Moukater » – (verbe) se moquer de quelqu’un, rire du malheur des autres, railler, voire insulter. L’origine de ce mot, très utilisé à la Réunion, est assez répugnante. La « moukate » désigne à l’origine les dépôts blanchâtres et odorants autour d’un sexe sale… La forme nominale peut aussi être utilisée comme insulte.

« Ladilafé » – palabre, commérage. Signifie littéralement « il a dit, il a fait ».

« Zorey » – étranger ne parlant pas le créole, qui doit tendre l’oreille pour comprendre lorsqu’un Réunionnais parle.

« Do pain do ber » – Super facile, jeu d’enfant, promenade de santé.

« Totocher » – vraisemblablement dérivé du mot malgache « totoky », qui veut dire « vagin ». Totocher quelqu’un signifie le frapper, le battre. Le mot peut également prendre une connotation sexuelle dans certains contextes, notamment lorsqu’on s’écrie « totoche ton momon ! ». « Totoche ! » peut aussi être un cri de surprise, d’effroi ou d’admiration.

« Bef dan la monté » – effort surhumain.

« Raler pousser » – se disputer.

« Bat karé » – se promener.

« Tilanp tilanp » – petit à petit, doucement. En créole mauricien, on dit « Tipa tipa ».

« Lé mol » – « pas cool », « barbant ». « Mwin lé mol » signifie « je suis fatigué ».

« Dalon » – ami, camarade. Peut aussi désigner un habitant des Seychelles. Les significations sont les mêmes en créole mauricien, mais le mot est moins utilisé.

« Bat la mer pou trap lekim » – faire beaucoup de bruit pour rien. Littéralement, « frapper la mer pour en récupérer l’écume ».

« La langue na poin lézo » – ce n’est pas bien de rapporter des commérages, de palabrer. Littéralement, « la langue n’a pas d’os ».

 « Coq mon voisin groser mon marmitt » – convoiter le bien de son voisin.

« Na r’trouv ! » – à la prochaine !

« Veyer coq » – opportuniste.

« Vantar touni » – un vantard qui ne possède rien, ou qui ment de manière éhontée.

« Torti i vwa pa son queue » – équivalent de « voir la paille dans l’œil de l’autre et ne pas voir la poutre dans le sien ».

« Kouler lapo lé pa kouler lo ker » – ce n’est pas la couleur de la peau qui fait quelqu’un.

« Manzer gazon » – déjeuner.

« Out canard lé nwar » – tu vas avoir des problèmes.

« Lé doss » – c’est magnifique.

« La pli y farine » – petite pluie fine, crachin, « il bruine ».

« Zézère » – amoureux ou amoureuse.

« Chap pa ! » – sans aucun doute, certainement.

« Bon peu » – beaucoup.

« Coco » – la tête, le crâne. Même signification en créole mauricien. Le mot désignant aussi le fruit du cocotier, le sens change selon le contexte. Exemple : « Soleil y tap for su mon coco » (Le soleil tape dur sur ma tête).

« Bondié i puni pa les roches » – un malheur est toujours mérité.

Carpe Diem – ce petit restaurant niché au cœur de Curepipe Rue Commerford.

Carpe Diem est cette maxime latine traduit le plus communément de la manière suivante : « Cueille le jour sans te soucier de quoi demain sera fait  en d’autres mots, C’est Carpe Diem 0aujourd’hui qu’il faut vivre. Car demain reste pour toi, ce qu’il y a de moins sûr ». Ce sont les derniers vers de l’ode « A Leuconoé » qu’a écrit Horace. Ce poète italien, a écrit ces vers à l’attention d’une jeune fille qui n’avait de cesse de consulter son horoscope. Cette expression est souvent utilisée pour dire de profiter du temps présent, profiter des plaisirs de la vie. Littéralement, cette maxime nous invite à cueillir le jour et le déguster tel un fruit savoureux.

Ainsi, il vous est proposé d’aller dans les jardins et l’espace Jean Michel Vinson où le chef Jocelyn Mallet qui après une belle carrière dans de grands hôtels mauriciens,  a  créé  cette  affaire avec sa femme Agnès. Ces artistes de la cuisine manient les saveurs avec génie pour séduire nos papilles.

 

A l’extérieur, une terrasse ombragée par un camphrier, une végétation éclairée le soir par quelques solar-jars, l’ambiance  doit être extraordinaire pour ce moment culinaire comme en pleine nature…

 

A l’intérieur, chaque pièce de la maison est une petite salle à manger. Un bar, une table haute, des petites et grandes tables… A deux ou en bande, chacun trouvera sa place.  Le mobilier est en bois et métal, tableaux d’artistes y sont  exposés mais aussi quelques encadrements bien pensés rappelant le Carpe Diem…

Pour que votre plaisir soit complet, avant de goûter à ces plats magiques, je vous conseille de mettre à contribution un autre  sens, la vue,  en admirant les œuvres d’artiste qui habitent ces lieux. Vous aurez aussi, l’occasion de faire travailler votre odorat une fois les plats servis.

Je remercie Jean-Paul de nous avoir fait découvrir ce bijou de la cuisine de l’Ile Maurice.

Les menus gourmands et festifs remplissent cette belle carte de Carpe Diem. Une palette de salades qui offrent une infinité de possibilités. : Sourire, Joie, Paix, des sandwichs boeuf, roquette, des légumes poêlés, un carré d’agneau, une entrecôte, un souris d’agneau, bref un repas copieux pour les grands mangeurs! Mais le plat incontournable reste le filet de poisson accompagné d’une  purée d’arouille et de légumes poêlés,ce que nous avons mangé  et apprécié lors de ce dimanche exceptionnel. Le sourire n’est pas que dans l’assiette : Agnès et Jocelyn l’arborent dès votre arrivée et ne sont jamais plus heureux que lorsque vous avez apprécié votre plat !

 

En cette fin d’année Carpe Diem, Le Bistrot des Arts sera ouvert  et vous proposera de venir la fêter  autour d’un bon repas. Le chef Jocelyn vous a concocté des menus Carpe Diem lastexceptionnels pour fêter dignement ce Nouvel An dans une ambiance de convivialité.

Je n’y serai pas mais à la prochaine occasion je m’y rendrai à nouveau pour apprécier les œuvres à venir. … Bref, il faut y aller  so « Seize The Day »

 

Diocèse de Paris – Ces prêtres, mémoire de l’Église de Paris – VIII. P. Étienne de Mesmay

Ils sont la mémoire du diocèse de Paris et de son histoire, riche et parfois mouvementée. En Notre dame de Paris 1cette fin d’année, Paris Notre-Dame vous propose les portraits de huit prêtres parisiens, ordonnés il y a plus de quarante ans. Chacun à leur manière, ils résument ce qui, pour eux, a été le cœur de leur sacerdoce.

Nous en sommes aujourd’hui au huitième et dernier pour cette série, le temps de continuer dans un avenir proche. Le P. Étienne de Mesmay, il s’étonne de l’intérêt que vous lui portez et balaie rapidement ses années de jeunesse – le scoutisme qui l’a profondément marqué, et ses années de droit avant d’entrer au Séminaire d’Issy-les-Moulineaux (Hauts-de-Seine). « Je n’avais pas de vocation juridique particulière, mais je n’étais pas doué pour les autres matières, alors… »,

 « Mais moi, ce qui me rend heureux, c’est la messe. Cela m’a été donné et c’est une grâce »,

P. Étienne de Mesmay

90 ans, 63 années de sacerdoce

Sa grande silhouette barre la porte de sa chambre à la Maison Marie-Thérèse (14e) où il vit désormais. À peine voûté par l’âge – 90 ans ! –, c’est avec un grand sourire que le P. Étienne de Mesmay vous accueille. Il s’étonne de l’intérêt que vous lui portez et balaierapidement ses années de jeunesse – le scoutisme qui l’a profondément marqué, et ses années de droit avant d’entrer au Séminaire d’Issy-les-Moulineaux (Hauts-de-Seine).P. Étienne de Mesmay.jpg « Je n’avais pas de vocation juridique particulière, mais je n’étais pas doué pour les autres matières, alors… », glisse-t-il, toujours souriant. Ordonné en 1954, il est nommé aumônier des établissements Gerson (16e) puis Claude-Bernard (16e), « condamné à l’enseignement », dit-il avec un brin de malice. Il enchaîne ensuite quatre années comme secrétaire particulier du cardinal Jean-Marie Lustiger, rencontré lors de son service militaire. Cette proximité lui permet d’attirer l’attention de l’archevêque de Paris sur la situation difficile de l’Église « au-delà du périphérique ». Il fera lui-même partie d’une des équipes envoyées en Fraternité missionnaire de prêtres pour la ville (FMPV), il a alors plus de 60 ans ! De ces six années à Lagny-sur-Marne (Seine-et-Marne), il parle volontiers comme « d’une belle expérience, avec une équipe de prêtres soudée ». Et soudain, devenu plus disert, il avoue : « Mais moi, ce qui me rend heureux, c’est la messe. Cela m’a été donné et c’est une grâce », conclut-il. Toujours avec ce grand sourire.