Ifri – Institut français des relations internationales – La politique africaine de la France à l’épreuve de la diversité du continent- par Alain ANTIL, directeur du Programme Afrique subsaharienne de l’Ifri.

La présence sur le continent africain est un élément clé de la puissance de la France, ou tout du moins de son influence. Elle a toujours été une priorité de son action extérieure. Pour le demeurer, elle devra s’adapter aux mutations profondes du continent, et à la diversité des dynamiques qui le traversent.

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Sécurité

La France a mené une cinquantaine d’opérations militaires sur le continent africain depuis les indépendances. Après la fin de la guerre froide et à la suite du génocide rwandais, Paris a souhaité ne plus jouer le rôle de « gendarme » de l’Afrique, et a opté pour une triple inflexion de sa politique : intervenir avec de solides mandats internationaux ; tenter de pousser l’Union européenne (UE) à s’impliquer davantage ; et enfin contribuer au renforcement des armées nationales et à l’édification d’une architecture africaine de sécurité. Cette politique a été mise en œuvre au cours des vingt dernières années dans un contexte de réduction du budget de la défense, ce qui s’est traduit par une réduction du nombre de militaires français pré-positionnés en Afrique.

Le premier objectif a été atteint. Le deuxième partiellement : si des pays européens participent aujourd’hui à des opérations de maintien de la paix, leur participation demeure exceptionnelle et légère. Le troisième est loin d’être atteint, ce qui oblige régulièrement la France à intervenir parce qu’elle est la seule à pouvoir le faire, du moins dans les phases initiales du conflit. C’est ainsi que l’on peut interpréter les interventions au Mali (Serval) et en République centrafricaine (Sangaris). Le désengagement français semble impossible, à en juger par la fragilité actuelle de la bande sahélo-saharienne, dont les soubresauts politiques pourraient avoir des conséquences directes sur le Maghreb et le bassin méditerranéen. L’adaptation de l’opération Barkhane, qui regroupe 3 500 militaires, est la clé pour la stabilisation de la bande sahélo-saharienne.

Diplomatie économique

La France est toujours l’un des principaux investisseurs et l’un des plus importants partenaires commerciaux du continent. Ses parts de marché diminuent en raison de l’émergence de concurrents africains et non africains. Si les grands groupes français sont bien armés pour maintenir ou conquérir des marchés, les PME/PMI françaises sont en revanche beaucoup moins outillées et soutenues. Le continent africain représente des marchés en croissance pour lesquels l’appareil industriel français dispose d’atouts (BTP, réseaux d’eau, transports, etc.). Parallèlement, la contribution de la France à la sécurité du continent constitue un utile soutien à sa diplomatie économique. Cependant, trop d’initiatives et de structures, parfois concurrentes, sont censées défendre les intérêts français. Cette surabondance nuit à l’efficacité d’ensemble de cette diplomatie économique. L’échec de l’initiative « Énergies pour l’Afrique » est une illustration de cette politique en ordre dispersé.

Francophonie

Bien que leader naturel de la francophonie, la France apparaît souvent en marge des institutions francophones et ne semble pas en faire un axe cardinal de sa politique étrangère. Se jouent pourtant autour de la francophonie des enjeux d’influence liés au droit, au commerce, aux organisations internationales, ou encore à la diffusion des œuvres culturelles. De plus, compte tenu des évolutions démographiques des pays francophones d’Afrique, le français pourrait gagner des centaines de millions de locuteurs au cours du xxie siècle. Cette évolution est théorique, car si la France ne se réengage pas davantage dans la coopération (envoi de professeurs, soutien aux institutions scolaires, etc.), cette progression de la langue française ne se concrétisera pas. La francophonie pourrait être également utilisée comme levier de promotion de la démocratie et de la bonne gouvernance, objectif plus facile à promouvoir dans ce cadre que dans une relation bilatérale, où chaque recommandation peut être dénoncée comme une atteinte à la souveraineté. Le soutien prolongé à des régimes autoritaires, pour des raisons sécuritaires ou économiques, a terni l’image de la France auprès des populations jeunes de ces pays qui seront peut-être les élites de demain et pourraient alors se détourner d’une relation privilégiée avec Paris.

Aide au développement et à la bonne gouvernance

L’Afrique a une population jeune qui peine à s’insérer dans des marchés de l’emploi incapables d’absorber la masse des nouveaux entrants. Cette jeunesse est porteuse de potentialités : elle tente de se trouver une place dans les sociétés africaines, notamment en créant des mouvements citoyens pour réclamer le respect des droits politiques mais aussi économiques. Parallèlement, cette jeunesse est également porteuse de tensions si des emplois ne sont pas massivement créés. La coopération et l’aide au développement françaises sont des éléments d’influence (soft power) mais doivent intégrer davantage ces enjeux (création d’emplois et respect des droits civiques). Cela passe aussi par une attention accrue aux évaporations de l’aide observées dans certains pays récipiendaires.

Au moment ou le Président est en Afrique et s’exprime en toute lucidité sur nos rapports avec ce grand continent. J’ai jugé bon de partager cette étude qui ne s’arrête pas à un mot sorti de son contexte, qui sert de défouloir et permet à certains qui ont miné l’action de l’ancien Président, de s’émouvoir aujourd’hui. Oui, l’Afrique est partout et la France aussi dans ce nouveau monde.